vendredi 19 décembre 2014

Sad boys don't cry

« Alors, on court ? » cette question qui le taraude, venue de nulle part. Quelques mots d’un joli minois, plaisanterie, ou plaisante, c’est du pareil au-même. La question, dans tout cela, ce n’est pas réellement de savoir s’il court, il le fait tout le temps. Quand il marche, quand il écrit, quand il vit. Il court encore et encore, le pauvre enfant. Run boy run. Cette chanson en tête, le martellement des tambours, agressifs, toujours le même. Fuite en avant.

Non, la vraie question, c’est de savoir s’il a encore envie de courir. Ou plutôt, de vivre pour courir. Il a mal à la tête. Il s’endort. Il se sent mal, une horrible tristesse étreint son cœur, alors qu’il doit repartir, vers Ailleurs, ou nulle part. Un dernier baiser, après quelques accolades viriles. Le sien. Elle s’approche, tend sa joue droite, l’instant est éphémère, mais pourtant, il aurait aimé que tout dure plus longtemps, une éternité, ou quelques secondes de plus. Au moins. La saisir, et ne pas rester comme un pot de colle, de son côté de la rue. Comment exprimer l’indicible ? Il en a mal au crâne, tandis qu’une douleur sourde bat au même rythme que les pulsations de son sang. Il est fatigué de tout cela, fatigué à en vomir, à en mourir. Crevé. Désespéré. Et tant de synonymes en –é.

Déjà, les regards se détournent, l’un va dans un sens, et l’autre ne va plus dans le même chemin. Ombres noirs de vestes trop longues, cabans qui tombent largement sous les reins, tandis que le vent fait voler écharpes et plis du tissu. Il s’enfuit, une fois encore, rattrapé par son devoir, ou caché derrière. Des devoirs. Est-ce réellement le terme exact ? Il ne le sait pas encore, ou il n’a pas envie de trouver autre chose. Partir, fuir, obéir. Abandonner ses propres désirs, ses envies et sa volonté, au nom d’un devoir qu’il exècre. Désobéir, se retourner et partir à sa poursuite ? Non, il n’est pas de cette trempe. Il est lâche, faible et traître, le tout à la fois. Sartre dirait un salaud, il préfère le terme plus odieux de connard. Surtout que c’est tellement facile de le porter ce joli mot, impression fugace d’être tandis qu’il s’exprime. Connard et pas autre chose, la messe est dite.

Il part, mais les regrets enserrent son cœur et son âme. Pourquoi ne sait-il pas courir ? Pourquoi ne sait-il pas vivre ? Saisir l’instant présent. Ne plus fuir, sans aucunes excuses que quelques paroles bafouillées à la hâte. La tristesse est une réelle chape de plomb qui le suit dans les rues sombres, il ne parle pas, il n’a jamais su le faire. Ouvrir sa bouche et bafouiller, très peu pour lui. Le ridicule ne tue pas, certes, mais il a définitivement assassiné toute la confiance qu’il pouvait avoir en lui. Ou alors il s’est détruit lui-même, à petit feu, sur la flamme de ses propres terreurs.


Tristesse de la nuit. Il tombe comme une masse sur son lit solitaire. Il ne trouve pas ce sommeil qui le fuit une fois de plus, alors qu’il le cherche pour oublier. Pour s’oublier. Dans ses yeux, il sent les larmes qui montent, mais elles ne sortiront pas. Dernière bribe de fierté. Les tristes garçons ne pleurent pas, n’est-il pas ? 

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