dimanche 16 décembre 2012

Cher journal...



Aujourd’hui, je reprends la plume. C’est Eyris qui me l’a demandé, pour mettre des mots sur mes maux, comme elle a fait…avant. 

*plusieurs lignes ont été violemment raturées, même si un nom apparait à deux reprises*

Après la trahison d’Ulrich, j’ai erré, comme le loup de mes armes, dans les terres sauvage d’Harathis. De chasseur j’étais devenu proie…Il me fallait me fondre dans quelque chose, pourquoi pas la garde du Lion ? C’était une protection efficace, nourriture fade, certes, mais de rudes guerriers. Et c’était si simple d’être un soldat pour quelques temps. Redevenir le mercenaire que j’ai été, se battre pour une cause au grand jour, juste et noble, pour la Kryte.
C’était ce dont j’avais besoin. Mais aujourd’hui, en revenant d’une attaque contre les centaures, j’ai reçu une lettre. Je l’ai ouverte…Je vais reprendre la route.

Cette nuit, j’ai revu de vieux amis. Faendyr et Eyris. De vieux compagons presque au complet, si l’on excepte Mog. Mais ce dernier est la Liberté, et aussi un oiseau de mauvais augure, s’il le voulait, il serait venu, mais il doit attendre son heure le vieux coquin.
Les choses ont bien changé en quelques années, voire quelques mois. Faendyr s’est marié à une douce jeune femme, assez frêle bien qu’elle semble avoir un sacré caractère. Ils sont venus avec leur protectrice, Auren, une guerrière patibulaire engoncée dans une tenue de cuir moulante. Et trois personnes que je ne connaissais pas, sauf de nom. Les Vorengard…Une famille décimé, et ils sont les seuls survivants.
Je ne sais pas ce que Faendyr leur a promis, à tous, mais au moins, une nouvelle fraternité commence de voir le jour. Des guerriers, des assassins et des magiciens, réunis pour se battre dans les Ombres, pour la Kryte…Le Serment en plus élaboré. Une nouvelle voie.

Après moult discussions,  nous sommes partis. Un navire, dirigé par le Capitaine Kefir. Un homme sauvage et fier, un bon marin. Sans un homme de sa trempe, je crois que nous ne serions jamais sorti vivant de cette aventure…Je me souviens encore de ces éclairs tonitruants, de ces vagues en furies et du sifflement strident de la tempête. La folie nous guettait…Magie noire disait certains, Gestalt disait Eyris. Je ne sais ce qui m’a pris, une pulsion de mort m’a pris…Comme il y a des années. Je ne voudrais pas paraître couard, je sais que je ne le suis pas, mais cette sensation de ne plus rien contrôler m’assaille et me terrifie…Pour le bien de mes compagnons.
Le jeune Vorengard, Talnir, est parti avec une charge de poudre afin de faire sauter le navire ennemi…Eyris a lutté des heures durant avec sa magie, et tout est redevenu calme, d’un coup, aussi plat que peut l’être la mer près de l’Arche.

Plusieurs semaines ont passé depuis que nous sommes rentrés, avec ce goût d’inachevé. J’ai dû partir en Orr. On m’a dit qu’Ulrich voulait se venger. Là-bas au moins, je pourrai reconstituer mes forces, et récupérer les deniers que j’ai entreposés un peu partout. Mon commis m’a dit que ce n’était qu’une goutte dans l’Océan, une perte sèche certes, mais ma Fortune allait bon allant, avec les investissements fructueux fait auprès de la Compagnie du Lion Noir. Tout cela serait vite épongé. En attendant, mon navire s’apprête à partir. Quelques Croisés, des vivres et des armes…Une mission de ravitaillement quelconque, là-bas, un de mes anciens compagnons d’armes a recruté des mercenaires. Une nouvelle mission commence.

Avant de partir, il me faut rapporter une soirée chez Faendyr. Un de ses dîners galas, avec le vernissage d’une œuvre d’une artiste que le vicomte soutient. Personnellement, je ne vois pas l’intérêt, même si j’apprécie l’art, c’était une perte de temps dans mes préparatifs. Mais bon, l’amitié, et la lettre d’Eyris, étant ce qu’elles sont, j’ai bien dû faire l’effort de troquer mon armure pour un ridicule costume civil. Tout s’est bien passé, jusqu’à ce qu’Eyris soit pris d’une crise. Mog m’en avait parlé, mais je ne l’avais jamais vue ainsi. En hâte, nous l’avons conduite hors de la demeure, puis à l’arche. Béni soit les inventions Asuras, nous avons eu le temps d’arriver jusqu’à la crique des pirates. Là, dans une débauche d’énergie, Eyris a avalé les âmes d’êtres corrompus. Ce spectacle m’a fasciné, tout en me révulsant…Celle qui était mon maître pouvait être…Un monstre ?

*les pages suivantes ont été arrachées*

Je suis revenu en Kryte. J’ai investi dans une mine d’Orichalque, en fournissant des combattants pour défendre le puits face aux attaques des sombres êtres de ces contrées. Par les Sept, je suis mécontent de quitter tout ce sable et cette puanteur morbide. Je pense que mes affaires ne sont pas terminées là-bas, et puis, la vie est si simple dans ces étendues redevenues sauvages. J’ai peine à croire que c’était un des plus grands empires que  la Tyrie est connue, dans ces paysages désolés de rochers suppurant une sombre magie, ces cactus aux épines tranchantes comme des rasoirs et ces vastes grottes et tunnels remplis de moisissures et de bêtes immondes. Tuer ou être tué, contre la menace de dragons.
Oui, c’est bien plus aisé que toute cette politique que je chérissais tant. Maintenant, mon devoir m’appelle dans ce panier de crabe…

La compagnie est devenue une Guilde Royale. Je venais d’arriver avec une cinquantaine de mes guerriers. Faendyr m’avait parlé d’un fort puissant, où nous aurions besoin d’hommes. Le Faucon noir est une belle bâtisse, austère mais fière, qui se dresse sur un axe majeur. Un serviteur m’avait demandé de monter sur la muraille, où une vive discussion se tenait. Une jeune femme, prétendument la sœur de Faendyr, voulait devenir une Sentinelle. Cela s’est mal passé, elle a perdu un compagnon, et moi, je n’ai pas reconnu Faendyr dans la cruauté dont il a fait preuve. Et puis cette Abigael…Vêtue de noire, on aurait dit une de ces succubes dont Mog enrichit ses récits les plus sombres. Je crois que je n’ai pas été le seul à craindre quelque chose cette nuit-là, au vue des mines pâles et déconfites des Vorengard.
Pour quelques temps, rien ne se passa, la fille partit en pleurs, et Eyris tança son vieil ami…Mais personne n’avait prévue l’arrivée de Dame Aeris.
Faendyr venait de la répudier…Et nous avait demandé d’abandonner la protection que nous accordions à sa femme légitime. Cela m’avait fait un choc, mais plus encore ce qu’il se passa après. Folle de rage, Aeris lança un terrible sort, et sans Eyris, je crois que nous eussions été tous morts…Dans la confusion, Talnir put administrer un sédatif à Aeris, mais le fait est que cette soirée m’a laissé un goût amer, après avoir signé la Charte. Des époux se déchirent, des amitiés naissantes se fragilisent…Je ne sais pas où nous allons, et la fidélité que je dois à mes compagnons me pèse, même si jamais je ne reviendrai sur mon Serment. Tel est mon fardeau, tel sont mes choix, à moi de les assumer et de boire la coupe, s’il le faut, jusqu’à la lie…