jeudi 27 février 2014

Rapport de Bataille Fast Play Grande Armée

Mémoires du général comte Leloup, aide de camp du Maréchal Ney. SHD, dossier XV France (généraux de)

« Ah mes enfants, la campagne de Russie. On a beaucoup écrit sur cette question, mais peut ont compris le sens de notre combat. Ramener à la raison un traître, et offrir les bienfaits de la civilisation à ces pauvres hères incultes et dominés par une classe d’aristocrates avides de leur sang.

J’étais alors aide de camp du Maréchal Ney, le brave des braves, celui qui bientôt deviendrait Prince de la Moskowa. Mais je m’avance bien trop vite dans mon récit.

Nous étions pour l’heure dans cette grande plaine du Moudjikistan, quelque part entre la Vistule et Moscou. La plaine était la même depuis des jours, champs de blés que l’ennemi brûlait au fur et à mesure, villages pillés et aucune âme qui vive à cent lieux. Un paysage déprimant, bien loin de nos charmantes petites régions de France qui ont mille fois plus d’attraits par leurs fleuves, leurs forêts et autres mamelons qui ravissent l’œil. Nous avancions à vitesse rapide, mais ces diables Russes refusaient le combat, jusqu’à ce que nous atteignons le petit village de Vodkagrad.

Vodkagrad, beau nom pour un patelin composé de quelques masures, était adossé à une colline que les ingénieurs russes, un des seuls domaines de l’art militaire où ils sont bons soit dit en passant, avaient transformé en une vaste redoute. Trois corps d’infanterie, appuyés de deux corps de cavalerie attendaient là, leurs redoutables licornes pointées dans la plaine.

Nous, de l’autre côté de la rivière Sakoulissi, étions obligé de passer par ici dans notre marche victorieuse vers Moscou.

Sans attendre les ordres du quartier impérial, le brave Rouquin mis en ordre de bataille ses corps. A notre gauche, les français, avec une demi-brigade italienne. Au centre, encore des français, appuyés par les braves Wurtembergeois. Et à la droite, le flanc de l’élite, le Maréchal avait disposé ses meilleures troupes, le corps Polonais de Poniatowski et la cavalerie légère de Kellermann, composé des intrépides lanciers et uhlans de l’armée de la Vistule.

Mes chers lecteurs, jamais vous ne pourrez voir, ni comprendre, ce qu’était l’Armée des Nations. Un bel imbroglio de langues et de particularismes locaux, tous vêtus de magnifiques uniformes chamarrés et luttant pour un seul homme : l’Empereur. Les aigles menaient les brigades, les tambours roulaient depuis le réveil dans un grondement de tonnerre, et cinquante mille baïonnettes jetaient des éclairs dans l’aube. Certains vétérans disaient qu’on se serait cru à Austerlitz, et aux yeux de la bataille, je veux bien les croire.

La masse ennemie nous faisait face, barbare et paysans hirsutes qui bavaient et hurlaient en priant leurs saints icônes. Leurs cavalerie, plus racée, s’était déplacée sur leur gauche pour défier les Polonais, en leur promettant de leur refaire les moustaches.

Le coup d’envoi fut donné par une première salve d’artillerie. Sans plus attendre, Kellermann et Poniatowski, qui ne pouvaient se laisser insulter sans réponse, poussèrent une charge dantesque qui rompit les reins des dragons russes. Même si les lances polonaises semblèrent dégarnies après le premier assaut, ils continuèrent à les piquer vivement dans les reins du corps de cavalerie adverse qui ne pouvait que reculer en hâte vers sa redoute. On pouvait entendre le célèbre prince Passmoilwiski insulter dans un russe parfait les dragons impériaux et leur promettre de leur carrer un oignon frais là où il pensait après leur avoir rasé leurs moustaches cirées pour les rendre à leur vraie nature féminine. Ces orientaux sont un peu barbares dans leurs mœurs, mais c’est ce qui en fait de si rudes guerriers.

A gauche et au centre, le prince de la Moskowa avait disposé en hérisson ses  troupes, laissant la fougue de la droite rabattre et gagner la bataille. Las, les Russes avaient choisis, grâce à leur honteux surnombre certainement, de placer leur axe d’attaque sur ces positions. Vodkagrad, dont les réserves en boissons, liqueurs et eaux de vie étaient fort réputées, fut prise et reprise plus de trois fois à grands coups de cuiller à pot. Les Wurtembergeois chassèrent vivement une brigade Russe, avant de se faire étriller par les lâches batteries de Licornes qui ne leur laissèrent aucune chance, allumant mille feux (certainement avivés par la vodka).

Mais Ney avait dit que les Russes ne passeraient pas, et ils ne passèrent pas. Jetant jusqu’au dernier conscrit, qui se conduisirent fort bien et méritèrent  leurs aigles et la légion d’honneur pour leur général, il repoussa vivement de l’autre côté du Sakoulissi les moudjiks. Hélas, peut-être dans leur hâte de devancer les ordres, ou plutôt pout se rincer le gosier avant que les flammes ne détruisent tout dans Vodkagrad, les brigades Wurtembergeoises, remotivées, se jetèrent en avant malgré les terribles trous dans leurs rangs et reprirent à l’ennemi le village.

Heureusement pour elle, les Polonais sur la droite avaient déjà étrillé un corps de cavalerie, et vivement repoussé l’infanterie Russe, commençant d’envelopper Vodkagrad. Mais ils étaient tout aussi fatigués, après plus de cinq heures de combat. Les uhlans avaient payé le prix fort, une brigade ayant été virtuellement annihilée (on dit que leur commandant, le Prince Passmoilwiski au verbe haut, avait en fait trouvé une belle plante russe dans cette plaine…ragots d’armée ou vérité, toujours est-il que sa brigade n’était plus sur le champ de bataille).

Poniatowski poussait franchement, appuyé par les cuirassés saxons. Mais ces dernières, peut-être prévoyant leur lâcheté future, s’empalèrent sur les carrés Russes, empêchant la prise de la redoute et ouvrant un boulevard à une contrattaque coalisée.

Heureusement pour les Français, les pertes des moudjiks avaient été tout aussi éprouvantes. On pouvait voir déjà retraiter les cosaques mais aussi l’élite de leurs cavalerie, tandis qu’une ligne de protection s’appuyant sur une cinquantaine de pièces et leur infanterie, bombardant furieusement les polonais qui n’en demandaient pas tant. Poniatowski et Kellermann décidèrent d’un commun accord de reculer sur leur ligne de départ.
Sur l’axe d’attaque des Russe, les koulaks avaient percé, mais pas en assez grand nombre, et l’approche du corps du Maréchal Duc de Dalmatie sur nos arrières les força à reculer. Il était midi, et le soleil au zénith consacrait une victoire française, amplifiée par la chasse des fuyards (on vit d’ailleurs le Prince Passmoilwiski et son grand ami le comte Jean Etienne du Vitdur bondir avec les lanciers polonais et ravager pendant quelques semaines les arrières gardes Russes mais cela est une autre histoire). 

Sur le sol, des milliers de tenues vertes se confondaient avec la plaine, le sang était ingurgité à grand glouglou par cette Russe avide du liquide vital de ses enfants, mais déjà nos corps d'armée reprenaient leur marche en avant, vers la Gloire ou la Mort »

Le bulletin de la Grande Armée n°29, daté de novembre 1812, donne des précisions sur la bataille et les pertes des deux armées comme suit:

Perte franco-italiano-polonaises : très faible, malgré une grande saignée de cheveux chez les Uhlans et Chasseurs.


Pertes Russes : deux corps d’armée sur cinq ont été annihilés, une trentaine de pièces ont été prises et plusieurs drapeaux. La route de Moscou est ouverte !

Les tableaux de la batailles se trouvent dans une collection privée ici: