mercredi 29 mai 2013

Un dîner presque parfait

Tortuga, la capitale de la piraterie, était en fête. Les Français avaient été chassés il y a peu par le Capitaine Jack Sparrow et ses hommes, et depuis, la grande foire qu’était la vie pirate reprenait peu-à-peu ses droits, dans un festival de rhum, de hurlements et de bagarres.

Rien de mieux pour le Capitaine Bellamy et ses affidés, le vieux Gebedia et Bombata, que de se cacher quelques temps hors de portée de toute représailles desdits Français, ou encore de ces Espagnols de malheur.

Ces derniers avaient coulé son sloop, le Sans-Soucis, « emprunté » à des français pas loin de Bahia. Enfin plutôt, ils l’avaient acculé dans les eaux des Bahamas et une tempête avait drossé le petit vaisseau sur la côte. Bellamy, chanceux comme à son habitude, s’en était sorti avec une grosse bosse, ses deux amis les plus proches et un youyou à moitié détruit par les vagues, le reste de l’équipage ayant rejoint les Royaumes de Pluton, pour s’enfuir.
Le reste de leur voyage ne mérite pas d’être conté, mais Bellamy devait encore à Dame fortune de croiser un trafiquant de ses amis, ancien membre de la bande d’Hornigold, qui l’avait conduit à Tortuga.

Il était arrivé juste à temps pour voir les derniers résistants français pendus, mais pas assez tôt pour faire quelques profits, et c’est donc de mauvaise humeur qu’il écumait maintenant un petit galetas surchauffé par le soleil d’été, se faisant discret des fois que des espions soient à leurs trousses.

Le soir tombait, et le capitaine n’en pouvait plus. Saisissant son baudrier, il le passa sur une chemise blanche au col ouvert, avant de passer sa veste noire ainsi qu’un pistolet à son ceinturon. Une fois son chapeau sur son crâne pour parfaire sa mise, il donna un coup de pied à Bombata qui ronflait, bienheureux, sur le sol.

« On sort, trop de temps qu’on traîne ici. On va prendre le pouls de la ville, et chercher un engagement quelconque. »

Le noir et le vieillard grommelèrent, Gebedia finit de récurer son pistolet et arma un nouveau silex, avant de suivre leur capitaine dans les ruelles.

A la nuit tombée, Tortuga oublie la crasse des journées trop chaudes. Le vent de l’alizée soufflait dans les rues gorgées de soleil, faisant peu à peu retomber la chaleur. C’était l’heure où les habitants sortaient, c’était leur des putains et des maquereaux, c’était l’heure d’aller à la Taverne du Chien Hurlant.

Ce débit de boisson forte tenait son nom de son enseigne, un énorme chien à trois-tête qui ouvrait grand sa gueule. Il était tenu par un homme d’une quarantaine d’année, au crâne chauve et au ventre rebondi toujours enserré sous un tablier de cuir taché de sang et d’autres humeurs qu’il ne valait mieux pas connaître. A l’heure où Bellamy entra, il était au centre de son carré personnel, entouré de broches et autres feux infernaux, en train de débiter de larges parts de porcs à la hache avant de les faire cuire tendrement sur un lit de braise.

Il allait sans dire que l’atmosphère était torride. Des accortes serveuses passaient de table en table avec des boissons que les hommes éclusaient aussitôt, entre deux coups d’œil aux accueillants girons de ses demoiselles. Une ou deux entraineuses, tamponnant avec des mouchoirs de soies noircis par l’usage des visages trop fardés qui dégoulinaient de sueurs aux tempes et à la racine des cheveux, encourageaient des joueurs de dés et autres cartes qui tapaient le carton à une vitesse folle. Partout, ce n’était que juron, sacredieu et autres hurlement de joie ou de désespoir, tandis que des bourses replètes se dégonflaient et des bijoux passaient de cou en cou.
Bellamy avait traversé la salle dans un murmure, habituel à son arrivée, et c’était calé avec ses hommes autour d’une pinte d’une bière chaude et éventée et d’une portion de poulet boucané, épicé et pimenté comme il l’aimait, jetant un coup d’œil de professionnel à la salle.

Les hommes avaient repris leurs conversations, une maquerelle encourageait deux de ses jeunettes à aborder deux gentilshommes, ou qui paraissaient comme tel, venus s’encanailler autour d’une table de Piquet. Un tricheur professionnel les appâtait en perdant lentement, mais Bellamy avait déjà remarqué que sous les dentelles de ses manches, des cartes sortaient comme par magie.

Dans un autre recoin sombre, trois lurons étaient en train de se partager le butin d’une rapine, vol ou cambriolage, Bellamy n’en savait rien. Mais ces trois gaillards étaient bien armés pour de simples montes en l’air. Surement des détrousseurs professionnels.

Des dockers passaient se rincer le gosier avant de retourner à leurs nombreuses marmailles, tandis qu’une foule interlope de trafiquants, marins et autres gibiers de potences venaient trainer dans les parages. La chaleur des rôtis rendait l’atmosphère moite, tandis que les nouveaux venus électrisaient l’air de la senteur si particulière de la liberté à Tortuga, violence, sueur, crasse. L’odeur des pirates ivres de mers et passionnés de terres.

La soirée battait son plein, des pirates entraient et sortaient, quelques coups avaient été échangés, mais rien de bien méchant, ni sang ni morts…Pour l’heure.
Bellamy contemplait dans son coin cette foule, quand l’orage éclata. L’étincelle était venue, il s’en était douté, de la table de piquet. Les gentilshommes avaient découvert leur tricheur, à moins qu’ils ne fussent là pour lui depuis le début. L’un deux avait saisi la main du tricheur, l’attirant vers lui et révélant les cartes qui volaient dans l’air, tandis que le second, une dague à la main, tranchait la glotte tendue dans un flot d’hémoglobine qui aspergea les filles de mauvaises vie et la table. Une d’entre elle hurla, et ce fut l’hallali. Les gentilshommes essayaient de s’enfuir, mais le défunt tricheur avait bien monté sa combine, des amis à lui venaient de sortir dague et coutelas. Les trois détrousseurs devaient couvrir les gentilshommes, car ils dégainèrent des pistolets qui crachèrent à tout va dans la mêlée confuse, abattant la maquerelle dont le crâne explosa sur ses cadettes qui furent aspergées de matière grise et d’humeurs sanguinolentes.

Bellamy, qui connaissait les règles, s’était placé dans le recoin sombre, proche de la porte, et il s’était levé pour s’en aller avant que tout ne parte en vrille. Ce n’était pas son combat. Sauf qu’un des gentilshommes crut bon de prendre son mouvement pour une aide à ses ennemis, et essaya de le poinçonner d’un coup d’épée. Gebedia veillait, une balle transperça son cœur, avant que Bombata ne fracasse son crâne de son tomahawk. Un des détrousseurs arrivait sur eux, mais cette fois-ci Bellamy était prêt. Pistolet en main, il l’attira vers lui son adversaire par la manche, avant de tirer à brûle pourpoint dans son ventre, ce qui l’envoya à terre.

Ce n’était plus l’heure à un duel à l’épée, colichemarde brandie et autres beaux mouvements.

C’était une mêlée confuse, à la crosse de pistolet, à la dague, parfois même aux dents pour ses demoiselles. Tenant la porte, Bellamy et ses hommes s’étaient assurés une retraite aisée et l’avantage que personne ne puisse les prendre en traitre. Dos au mur, il reculait de la salle, tailladant tout ennemi à portée.

C’était une messe sanglante où l’on ne comptait plus les horions en guise d’eucharistie. On frappait, on daguait, on hurlait. Les plus faibles s’écroulaient entre les tables ou sous les chaises, là où les combattants piétinaient les morts et les blessés. Ces derniers essayaient de s’enfuir en rampant, quand certains se faisaient harponnés à terre comme des thons dans une madrague. Le sol était poisseux de sang, les oreilles pleines de bruits et de fracas, tandis que le patron faisait feu sur tout ce qui bougeait un peu trop avec un énorme tromblon.

Soudain, la bataille cessa. Faute de combattant, ou parce que les premiers s’étaient enfuis. Bellamy et ses hommes, chanceux comme à leur habitude, se tenaient toujours en triangle. Dague et pistolet en main, bas de manche poissé de sang. Au sol, blessés et mourants gémissaient dans un drôle de cacophonie, tandis qu’une des filles pleurait à chaude larme sur le cadavre de la maquerelle tout en lui faisant les poches.

Le patron allait dire quelque chose, hachette à la main, quand on entendit le raclement d'une jambe de bois crisser sur le parquet et la sciure de l'entrée…

lundi 27 mai 2013

Bellamy...Premier RP

La catin l’avait conduit dans une ruelle qui sentait la pisse et la crasse et où aucune lumière n'égayait les ombres. Il l’avait suivie, de loin, complètement ivre, et l’odeur poignante faillit le faire dégobiller tout ce qu’il avait ingurgité ce soir.
Mais cette nuit été particulière, cette nuit, il commémorait la mort de son visage, et, dix ans jour pour jour après, celle de sa femme.
Bellamy était parti au crépuscule. Bombata avait essayé de le dissuader, mais un coup d’œil à Gebedia et un geste rapide l’avait fait renoncer. Tous deux connaissaient les démons de leur capitaine et ami, et pour l’heure, ils savaient qu’il allait avoir besoin de cuver son vin et se vider les tripes chez une gaupe des bas quartiers. S’ils avaient tenté de le suivre, ils savaient aussi qu’un coup d’épée d’El Diablo rond comme une barrique ne faisait pas la différence entre amis et ennemis, ou plutôt, il ne voulait pas faire la différence.
C’est donc inquiets qu’ils avaient vu le capitaine à l’austère habit noire, pourpoint de cuir, chausse et bottes de la même couleur, son crâne et son visage dissimulé à l’ombre d’un chapeau à large bord tout aussi sombre, s’enfoncer dans les ruelles de Salvador.

La femme de mauvaise vie n’était pas jolie, trop fardée, les dents du bonheur en or massif. Elle sentait la crasse et la sueur, à force de se faire labourer le ventre comme un champ à l’automne. Elle avait des cheveux roux, qui convenaient parfaitement à son client, malgré leur aspect filasse et les légères décolorations dues aux ans. Ses seins, trop lourd et presque pendant hors d’un bustier trop court pour elle, était deux boules dans lesquels Bellamy ivre mort n’avait pu que lorgner. Malgré les ravages du temps et une fraîcheur décidément éventée, il avait trouvé la femme parfaite pour se vider une bonne fois pour toutes ses tripes.

Cette idée fit sourire le protestant, qui naguère n’y aurait jamais pensé. Même, il se sentait vil de tromper Doña Elvire, mais il était un homme, et des besoins pressants parfois le conduisaient à sortir de son austère réclusion.
Elle l’avait conduit dans la fange des ruelles, au plus profond du quartier des pêcheurs, entre deux maisons glauques, sans fenêtres. La ruelle devait à peine faire un mètre cinquante de large à son début, et elle l’avait coincé entre deux casiers à pêche. Sans vergogne, elle s’était couchée sur un tas de filet puis avait retroussé ses jupons qui avaient été blancs, autrefois. Bellamy avait déposé sabre et pistolet au sol, ainsi que son chapeau et sa veste. En chemise, il avait défait la boucle de son ceinturon pour sortir son vit. La passe d’arme était brutale et rapide, sans amour ni sentiments. Bestial, il avait monté la gaupe comme il aurait voulu arracher de sa peau un chancre. C’était une pure nécessité.

Son instinct et ses yeux, toujours en mouvement, le prévinrent que quelque chose se passait à ses côtés, dans l'ombre. Il était ivre, mais pas complètement fini. Il détourna le regard de la chienne en chaleur qui jappait, même pas en rythme, sous ses assauts virils. Pour tomber nez-à-nez avec une jeune fille aux cheveux roux tout aussi filasse, qui saisissaient ses armes et son chapeau. La dame qu’il montait serra soudain ses cuisses autour des siennes, dégainant de ses robes un stylet dont il ne savait comment elle avait pu le cacher, tandis qu’il se dégageait sans douceur. Cette reculade sauva la vie de Bellamy, qui récolta un bon coup de dague sur son avant-bras. De son autre main, il gifla la prostituée qui tomba, groggy. Tandis qu’il finissait de se dégager, la petite voleuse aux cheveux roux, robe jaune, s’enfuit en courant avec une partie de l’attirail du capitaine. Ses chausses basses, il n’avait aucune chance de la rattraper…

Il se retourna vers la mère, du moins, il le supputait. Elles avaient les mêmes yeux, brillants dans la nuit, les mêmes cheveux, et l’autre devait être de vingt ans la cadette de celle qui gisait encore entre deux casiers. Bellamy la regarda, se disant qu’il était peut être allé un peu fort dans son coup. La gaupe avait en effet buté contre une des caisses, et son cou laiteux formait maintenant une drôle d'angle désarticulée où ses dents brillaient dans un terrible rictus. Bellamy, en chemise et en chausse, son ceinturon d’arme et sa bourse enfuie, se demandait comment il allait récupérer son bien. Avec sa gueule, l’autre le verrait arriver à cent lieux.
C’est tout à ses réflexions qu’un éclair de douleur lui rappela le coup de dague, son bras était poissé de sang, et c’est tout en le bandant qu’il eut un second coup de foudre dans son crâne pervers. Avec des filets et sa dague, il pouvait surement faire quelque chose pour attirer un chaland, où le maquereau qui n’allait pas tarder à surgir…Mais pour l’heure, une fois pensée, dans l’odeur moite du cadavre et des reliquats d’excréments humains, Bellamy préféra commencer par se vider les tripes, ou plutôt, son estomac lui rappela que les excès n’étaient pas bons à la santé.

Sa gaupe faisait des gestes étranges, un sein à l’air, un bras invitant au stupre et à la luxure mécaniquement. Ce petit manège durait depuis un bon moment. Elle avait dû encore boire, ou prendre un coup de trop d’un opiacé quelconque. A moins qu’elle n’ait encore essayé avec sa démone de fille de les doubler, lui et son maître, le Grand Coëstre, en vandalisant un docker. Cela ne le gênait pas, mais il se doutait que les deux menaient un double jeu. Et s’il arrivait à la prendre sur le fait…Elle recula dans les ombres de la ruelle, sans client. Vraiment, son attitude était étrange. Sur ses gardes, le maquereau dégaina un petit couteau de marin, et s’avança vers les ombres.
« Et la Rousse. Tu fais-quoi encore ? »
La Rousse bougeait de manières désarticulées, reculant pas à pas dans les ombres. Elle était si étrange, qu’il en devint furieux. Elle avait dû mâcher de l’opium frelaté. Une bonne gifle remettrait ses idées en place. Cela fut son erreur.

Bellamy avait accroché les robes et les bras de la prostituée rousse avec des fils, et s’en servait comme une marionnette. Un des hommes de la pègre allait surement remarquer ce manège, et viendrait en discuter avec elle. Le plan fonctionnait comme sur des roulettes. Il propulsa d’un coup la femme dans les bras de l’homme qui s’empêtra dans ses jupes. Il essaya de reculer, comprenant l’horrible vérité, quand il vit l’homme lugubre lui sauter dessus. Un coup de poing violet envoya l’homme à terre…

Le maquereau se réveilla. Il avait froid. Il était bien serré dans u filet, nu. L’homme qui l’avait agressé c’était emparé de ses vêtements et le regardait froidement.

« Ta petite amie m’a piqué mes affaires. Dis-moi où je peux la trouver, et je te laisse en paix. »
« Va te faire foutre Sale Gueule »
« Mauvaise réponse !»

Bellamy saisit la main de son prisonnier, et d’un coup de style il lui trancha un doigt.

L’autre avait parlé. La fille en jaune vivait dans une galetas lugubre un peu plus loin. Il avait quand même fallu que Bellamy lui coupe deux trois doigts pour que l’autre accouche. Miséricordieux, le capitaine lui avait planté sa dague en plein cœur.
Bellamy avait pris les effets du mort, une mauvaise épée, un tricorne, et s’était fait un masque du châle de la prostituée. Maintenant, il lui fallait récupérer ses effets. Le quartier était sordide, mais il avait deviné que la fillette allait sortir par la porte arrière. C’était une supposition, mais il préféra commencer par enfoncer ce bois vermoulu dont il fit sauter les gonds d’un coup de pied bien appliqué.
La jeune fille se leva, terrifiée et chercha à s'enfuir, mais en trois bonds de chat il était sur elle.

Bellamy venait de rentrer à la maison. Gebedia le questionna du regard sur sa mise défaite. Le capitaine haussa les épaules. Il n’était pas l’heure de raconter cette aventure. La gamine avait été prévenante, elle lui avait rendu tous ses effets. Pour la peine, il lui avait laissé un peu d’argent contre son corps et une bouteille de rhum. Il avait fini son affaire, les tripes vidées par les deux bouts, ses sens dominés pour quelques semaines, il s’était purifié dans le sang…C’était somme toute une bonne soirée d’anniversaire non ?

dimanche 26 mai 2013

Artland, Une cruche ira très loin



Notre histoire commence il y a de cela un peu moins de vingt ans, dans une des familles aisées et respectables de notables Artlandais. L’aube se levait, tranquille, dans une petite rue tout ce qu’il y a de plus normale de Liberté, quand au N°10 l’on entendit le vagissement criard d’un petit glouton affamé qui venait à peine de sortir du ventre de sa mère.

En fait de petit glouton, c’était une petite gloutonne, au grand plaisir de Monsieur Beaver, honorable greffier du tribunal, fort respectés pour ses talents et au carnet d’adresse nourri, et de sa femme, la fille de l’éminent juge principal de Liberté.

Or donc, disions-nous, la petite Céleste naquit, quatrième fille, dans cette respectable famille bien établie, puinée de dix ans moins âgé que son plus jeune frère. Monsieur et Madame Beaver, qui ne s’attendait plus à un présent tel que leur petite fille, la nommèrent donc tout naturellement de ce prénom ô combien azuréen, même si comme tout bon Artlandais il ne croyait en pas grand-chose.
Cadeau du ciel, Céleste faisait la joie de ses parents qui, contrairement aux premiers, lui passèrent tous ses caprices. Et il faut dire que la demoiselle n’en manquait pas. Pourrie gâtée jusqu’à la moelle, la petite fille avait compris très jeune combien un sourire charmant pouvait lui ouvrir les cordons de la bourse de son père. 

Si elle était pourrie gâtée, cela n’empêcha, dieu merci, de développer une certaine intelligence. Et à vrai dire, si elle avait des caprices, ils étaient fort éloignés des jeunes filles de son âge. En effet, prénom prédestiné peut-être, mais la jeune Céleste se passionna très jeune pour tout ce qui touchait au domaine de la science et de la découverte.

Ainsi, à sept ans, elle s’amusait à regarder les astres avec un télescope, qui eut un destin tragique le jour où elle essaya de le monter toute seule sur le toit de la demeure familiale, mais cela est une autre histoire. De même, les journées où il faisait mauvais, la jeune enfant passait des heures à regarder les images des grandes fleurs et autres animaux sauvages des confins des comptoirs Artlandais. Dès qu’elle apprit à lire, elle se jeta à corps perdu dans les récits des voyageurs, veillant fort tard ce qui eut le malheur de « nuire à son teint », du fait d’une légère tendance à avoir des cernes quand elle ne dormait qu’épuisé aux alentours de l’aube.

Forgeant son intelligence et son savoir, la petite Céleste ne négligeait cependant pas toutes les autres choses qu’une jeune demoiselle pouvait apprendre. Mais elle n’hésitait pas aussi à faire de nouvelles expériences. Que d’étés passés à chasser les grenouilles et salir ses robes dans le petit lac de la propriété de campagne de son grand-père, que de petits bobos et autres tignasses échevelées en chassant les araignées et en se régalant de framboises dans les ronciers.

Céleste se rêvait aventurière, malheureusement, sa vie de jeune fille la rattrapa bien vite. On l’enferma (c’est son terme) dans une école pour jeune fille bien éduquée. N’en doutons pas, elle y mit un certain souk avec sa future meilleure amie, Sarah Wellesley. Les jours aux pensionnats ouvrirent la jeune fille à de nouvelles expériences, même si elle ne gouttait guère la couture, elle lui permit d’expérimenter des techniques qu’elle utiliserait très vite, tout comme la littérature la faisait voyager comme dans son enfance, tout en découvrant l’amour.

Ah l’amour, nous faut-il conter ses premiers émois ? Elle venait d’avoir quinze ans, fraiche comme la rosée, elle devenait femme. Un joli sourire d’un mauvais garçon, et notre aventurière faillit s’enfuir un soir. Cruelle déception, son chevalier servant ne l’aimait pas, et rompit peu avant leur escapade. Depuis, un peu plus cynique, Céleste finit sagement ses études secondaires, ayant pour la première (et dernière fois) goutté à la gifle paternel. Il faut dire que ce souvenir cuisant lui rappelle combien une jeune fille naïve peut être trompée, mais elle a donc aussi appris à se méfier, tout en usant de ses charmes.

Arrivée à dix-huit ans, toujours aussi effrontée, Céleste faillit entrer dans un des cercles féministes très en vogue. Nouvelle querelle avec son père, quelques sourires, et si elle n’obtint pas d’aller vivre dans les rues avec ses nouvelles amies, elle obtint d’accéder à son dernier caprice : devenir médecin. Quand je vous disais qu’elle savait y faire.

Il faut dire que petite dernière, elle est relativement libre. Ses ainées son casées, son frère a repris le poste de son père, pourquoi ne pas passer ce caprice. Puis une femme médecin…C’est la voie vers l’indépendance tout en restant dans un milieu social relativement proche, et puis, les médecins sont de jolis garçons et souvent de bon partis, regardez ce bon docteur Sullen qui se marie après cette histoire si romantique. Du moins, c’est ce qu’avait pu entendre Céleste quand sa mère s’était fait l’ambassadrice de sa cause et avait fait chuter les dernières réserves de Monsieur Beaver.
Céleste avait failli sauter de joie, son père l’avait ramené à la raison par un contrat. Ses études seraient payées, mais elle devrait réussir tout par elle-même, sans aide aucune en dehors d’une modeste rente. Libre à elle d’accepter de prouver tout son savoir et son intelligence. Qu’elle rate une année, et on lui organiserait un excellent mariage avec le neveu du vice-procureur.
Tout était clair dans l’esprit de Céleste, ravie, qui rejoint enfin les bancs de l’université, comme son ami Sarah qui elle s’est lancée dans le droit.

Caractère et défauts :

Entêtée, obtuse et prête à tout, Céleste Beaver est une ravissante jeune fille qui a parfaitement compris qu’au milieu de ces mâles, il valait mieux jouer de son corps, cynique, que de son intelligence. Elle paraît au premier abord un peu naïve, voire maladroite, n’hésitant pas à passer pour plus bête qu’elle ne l’est, jouant plus de ses charmes et de son minois pour obtenir ce qu’elle veut.
Quant à l’amour, si cette rousse incendiaire s’amuse à charmer ses messieurs, elle n’a pour l’heure aucune confiance dans la gente masculine.
De fait, malgré ses grandes lectures, elle ne connait pas grand choses des gens issus d’autres milieux, et la faculté permet aussi d’assouvir son insatiable curiosité du genre humain.

Portrait

Grande, mince, belle, Céleste porte toujours la dernière mode. Elle se mettra toujours à son avantage en public par sa toilette, mais en privé, elle peut adopter un négligé total au grand dam de ses parents. Heureusement, pour l’heure, elle partage une chambre avec son amie Wellesley pas loin de l’université,  ce qui lui évite toute remarques et bondieuserie de ses chers parents.
Ses atouts charmes sont l’ovale parfait de son visage, son nez digne de Cléopâtre et ses yeux verts, accordés à de longs cheveux roux brillant qu’elle entretient chaque soir à la brosse avec un grand soin, même si elle les lâche rarement pour aller à l’Université.

jeudi 23 mai 2013

La vengeance est un plat qui se mange glacé 2 (Bellamy partie 8)


La femme était sortie des ombres. Le gentilhomme ne put empêcher un hoquet de dégoût de sortir de sa bouche. Son visage était une plaie, il lui manquait un œil  son nez avait été brisé, mais le pire, c’était la peau, tavelée, elle était gravement brûlée par les mélanges utilisés pour la faire souffrir, qui avaient arrachés ses lèvres, révélant une rangée de dent fracassée à coup de crosse. Elle était hideuse. Bellamy ne faisait vraiment pas dans le dentelle.
Elle lui expliqua donc la fin de l’histoire, et tandis qu’il partait, il entendit son rire de démente, qui lui glaça à jamais les sangs.

***

Mademoiselle ***, pour son malheur, avait survécu. Les S?urs de Saint-Georges lui firent chèrement payé son acte, par des contritions pendant des nuits sur le sol glacé de la chapelle, des purifications à l’eau glacées et autres joyeusetés que seule une compagnie de femmes cloîtrées peut inventer.
Elle avait accouché d’une fille, un enfant qui s’était accroché dans son ventre malgré tous les maux qu’elle avait subi. On lui avait enlevé cet enfant, mais elle apprit, plus tard qu’elle n’était pas morte. Alors, malgré toute les privations, elle fit v?u de survivre juste pour revoir son enfant et son aimé, elle savait qu’il avait survécu, au plus profond de son cour.
L’hiver où Bellamy revint avait été cruel. Quand il avait fait prendre l’enceinte sacré, la glace avait pris le petit étang au cœur du cloître, et les statues brillaient de mille feux là où le gel les avait saisies.
Le pirate avait marché à grand pas, tandis que ses hommes contenaient les sœurs  Pas de mal, pas de violences, tant qu’il n’aurait pas vu celle qui était sa femme devant Dieu.
Elle était alitée, au fond d’un lit. Sa poitrine la faisait souffrir, ses os étaient décharnées, mais Bellamy reconnut dans ses traits celle qu’il avait aimé. Alors, pour la première fois depuis longtemps, ses mains prises dans l’étau glacé de celle osseuse de Mademoiselle de ***, il pleura.
Ses hommes le laissèrent ainsi, tandis qu’elle partait, définitivement. Quand elle eut rendu son dernier souffle, ils entourèrent Bellamy. Il ne tenait plus debout, jusqu’à ce qu’une bonne s?ur lui amène une enfant aux cheveux noirs, comme les siens, et les yeux bleus gris de la disparue. Elle était maigre et pâle, mais l’homme qui était un boucher reconnu son enfant.
Tandis qu’il l’emmenait, le couvent des sœur de Saint Georges brûla, par représailles.

***

Puerto-Rico, aujourd’hui. L’embouchure du fleuve était un petit lagon aux eaux bleues. Le gentilhomme marchait de long en large attendant quelqu’un. Un craquement dans la jungle environnante le prévint. Trois spectres arrivèrent.

« Capitaine Johnson je présume ? Capitaine Bellamy, présentement sans navire, et mes associés. C’est donc vous qui enquêtez sur moi ? N’avez-vous pas peur de voir le Diable surgir de sa boîte ? »

Le gentilhomme avala sa salive, tandis que Bellamy se mit à rire, un pistolet dans sa main pointé ver le gentilhomme à la capeline grise…

mercredi 22 mai 2013

La vengeance est un plat qui se mange glacé 1 (Bellamy partie 7)



« C’est tout. Bellamy m’a depuis relâché, et moi je vis dans cette maison, loin du monde. Mais si vous lui voulez du mal, sachez que vous n’avez pas frappé à la bonne porte. Que dites-vous ? Sa fille ? » elle blêmit, et regarda dans le jardin, là où deux fillettes jouaient au cerceau.

***

Bellamy avait discuté avec Hornigold. Son capitaine et ami, bien que le lui ayant déconseillé, l’avait laissé partir. Dix ans après, il était l’heure pour lui de prendre sa revanche. Ils s’étaient quittés après une poignée de main virile, allant chacun vers leur destin. Hornigold la pendaison et Bellamy…

***

Le palais de *** était abandonné. Le gentilhomme à la capeline grise faisait crisser le verre qui parsemait ces marbres autrefois glorieux. Tout avait été pillé, les ors des boiseries, les meubles, mêmes les tentures avaient été foulées et gisaient çà et là dans un repos éternel.
Il poussa une porte aux gond grinçants. La lumière de l’hiver faisaient jouaient les ombres dans cette chambre froide, où un tas informe se tenait pelotonné dans un grand lit à baldaquin, toussant et crachotant tandis qu’une vieille bigote priait sur son chapelet.
La forme se releva, cachée dans les ombres du grand lit.
« Vous venez voir l’?uvre du Diable Bellamy ? Je vais vous dire ce qu’il a fait ce chien… »

***

Le palais était à feu et à sang. Le petit sloop de Bellamy, qui avait depuis longtemps remplacé le Lacrima Christi, avait remonté la rivière jusque sous le château. L’assaut avait été brutal, qui aurait pu résister à deux cents pirates ivres de meurtres, de viols et de pillages ? Les portes avaient été enfoncées, le butin pris. Mais Bellamy, lui, cherchait le maître de ses lieux. Monsieur de *** et sa femme, l’amie qui avait trahi sa bien-aimée, s’étaient terrées parmi les lavandières. Mais Bombata et Gebedia, Sylvio étant parti en quête de sa mort avec Hornigold, avaient eu l’?il. Le pleutre s’était déguisé en femme. Bellamy l’avait fait traîner dans la grande salle de bal. Ses hommes s’étaient gaussés du noble, tandis qu’on le dévêtait.
Bellamy l’avait bien regardé, cet être tremblant au point de pisser sur ses chausses, avant de s’approcher. Il lui avait expliqué qu’il n’avait guère de temps, et donc que son supplice serait moins long, mais tout aussi terrible. Ils avaient commencé par le battre comme plâtre, lui briser tous les os, puis le crucifier à une porte tandis que les plus vilains de ses gueux de mers violaient la traîtresses sans pitié aucune. Alors, Bellamy s’était avancé, et, ?il pour ?il, dent pour dent, il avait tracé un nouveau sourire sur cet homme qui allait souffrir pendant des heures pour le martyr.
La femme avait supplié, lui avait dit que sa bien-aimée vivait encore.  Magnanime, elle allait survivre, mais elle perdrait à jamais sa beauté. Le vieux Gebedia y avait veillé, avec un peu de poudre et quelques flacons de vitriol.

mardi 21 mai 2013

Last night (Bellamy partie 6)



Le gentilhomme avait été accueilli à la porte austère d’une maison blanche. Derrière ces murs dignes d’une forteresse, on l’avait conduit à un petit jardin, où une fontaine gazouillait tandis que des fleurs embaumaient l’air de l’après-midi d’un parfum suave.
La Doña qui l’attendait avait servi elle-même le café après avoir demandé à ses servantes et une vielle duègne de s’en aller.
« Vous voulez que je vous parle de Bellamy c’est ça ? C’est d’accord, mais il faudra que vous me racontiez pourquoi. » elle avait dit cela sans le regarder, mais elle avait énoncé ces faits simplement, portant une sorte de menace implicite, avant de commencer son récit.

***

Un message d’Hornigold était arrivé. Demain, il conduirait Elvire à son oncle. La rançon était payée, il n’avait plus qu’à la laisser aller, en gens d’honneur.
Morose, Bellamy semblait distrait pendant le dîner. Elvire lui demanda ce qu’il se passait. Il lui expliqua donc ces lignes. Elle n’en sembla guère heureuse.
Pourtant, elle lui avait tant parlé de son oncle, et de Puerto-Rico, qu’il semblait incongru qu’elle ne dise rien. Il allait lui poser une question, quand elle lui demanda de raconter sa vie.
Il hésita, failli s’esquiver, mais finalement, il se décida. Pour la première fois depuis longtemps, Bellamy se révéla dans son entier, ce qu’il n’avait jamais fait depuis si longtemps, en Bretagne.

Elle avait bu ses paroles. Bellamy était un homme bien plus complexe qu’elle ne s’y attendait. Elle aurait voulu l’écouter, encore. Mais l’heure n’était plus aux paroles. Demain, elle ne le verrait plus. C’était leur dernière nuit. Elle le regarda dans ses yeux, elle qui avait eu si peur de lui. Et lentement, elle saisit sa main, bien décidée à ne pas gâcher l’instant. Se levant, elle embrassa cette paume, puis remonta son bras puissant, avant d’arriver à ce visage marqué. Bellamy allait dire quelque chose quand elle le fit taire d’un baiser sur ces lèvres torturées. Elle n’avait plus peur de lui, et c’est pour cela qu’elle se donna au seul homme qu’elle n’aimerait jamais.

dimanche 19 mai 2013

Où Bellamy prouve qu'il n'est pas qu'un monstre (partie 5)



« L’or. Y’en avait pas, mais du bon bois d’ébène, des nègres grands et forts. Un bon commerce. Personne toucha à la fille, trop précieuse. Bellamy était le nouveau capitaine du Lacrima Christi. Il devait garder la fille le temps de trouver un arrangement avec les autorités de Puerto-Rico. C’est comme ça qu’il l’a attrapée. »

***

Le vielleux jouait un air triste dans l’air du soir. Accoudé à la lisse du château, le tout nouveau capitaine regardait les ombres s’épaissir. La dame, Doña Elvire, venait de s’avancer sur le château. Elle regarda le jeune homme, allait dire quelque chose, avant de s’accouder elle aussi avec une certaine grâce contre la rambarde en bois peint. Elle attendit que Bellamy bouge d’un pouce, il n’en fit rien. N’y tenant plus, elle demanda.
« Me relâcherez-vous bientôt ? Ou continuerez-vous de jouer à cache-cache avec la flotte de sa Majesté ? »
L’homme au sourire figé ne bougeait plus, il se retourna vers elle. Son rictus terrible épouvantait la jeune femme, mais elle essayait de retenir ses hauts le c?ur. Elle était espagnole, fière comme une lionne, et jamais elle ne montrerait une faiblesse devant un homme comme lui.
« Votre compagnie me plaît pourtant madame » la voix rauque du monstre était pourtant suave, maîtrisée et bien modulée. « Mais dès qu’Hornigold aura contacté votre oncle. Nous vous libérerons, pas avant. Autre chose ? »
Elle bouillait de rage de devant le trop plein de confiance de cet homme, qui lui avait parlé comme si elle l’avait ennuyé, elle fille de Grand d’Espagne, nièce du gouverneur de Puerto Rico. Elle était une des plus belles femmes des Espagne, elle avait tout, et ce…laquais allait la traiter comme une moins que rien ? Elle avait envie de le gifler, de l’insulter et de lui faire de mal, même si ce n’était pas très chrétien, quand une rafale de vent la saisit, faisant bouffer sa robe et arrachant le voile de fin cachemire qu’elle avait autour des épaules.
Elle se jeta en avant, manquant tomber par-dessus la rambarde, quand une main ferme saisit le tissu qui s’envolait. L’homme aux yeux verts la regardait, sa proie bien serrée dans sa poigne, tandis que son autre main, vive, avait empêché la demoiselle de faire une chute potentiellement mortelle.
« Re…Me…Rendez-le moi ! Et lâchez-moi sale brute ! »
En essayant de le frapper, elle s’était dangereusement approché de son ravisseur, qui la tenait dans ses bras, avant de lui laisser son châle et de la repousser, gentiment. Les joues blanches de la demoiselle rougissaient, de honte ou d’une chaleur soudaine. Elle avait senti le parfum de l’homme, odeur de cuir, d’huile mais aussi un parfum plus subtil. Elle avait touché ces muscles durs, cette poitrine où battait un c?ur chaleureux, tandis que ses bras dégageaient une chaleur rassurante pour la prisonnière. Elle battit en retraite. Le vielleux avait arrêté de jouer. Bellamy le regarda, fit un petit mouvement de sa main, et la musique reprit, tout comme les activités sur le pont.

Le soir, Bellamy dînait seul dans sa cabine. Privilège du capitaine, personne ne venait le lui disputer. Il allait passer à table quand un coup, discret, fut frappé à la porte. Il se leva pour aller ouvrir, et tomba sur Doña Elvire qui allait rebrousser chemin.
« Madame ? »
« Je…Je voulais m’excuser pour tout à l’heure. Et savoir si votre invitation…De dîner avec vous tiens toujours. »
Il lui avait en effet, dès le premier soir, proposé de dîner avec elle, par galanterie. Mais elle avait jusqu’à alors décliné, arguant avec des termes comme « jamais un sale pirate n’aurait le plaisir de sa compagnie », et c’était là une des choses les plus gentilles qu’elle avait pu prononcer.
Bellamy l’invita à entrer, et demanda à son mousse d’ajouter un couvert. En attendant, il sortit une carafe de San Martin De Valdeigleisias, reste de l’infortuné capitaine du Lacrima Christi. 
« Un verre ? »
Elle acquiesça, poliment, tandis que Bellamy lui tendait un délicat ouvrage en cristal.
Tandis qu’elle buvait, elle regardait cet homme étrange. Grand, mince, il portait toujours un chapeau noir, ainsi que des vêtements sombres, un grand manteau en cuir, surmonté aux épaules de plumes de Corbeaux. A sa ceinture, une lourde épée de Tolède, à la garde en panier noircie à la flamme, et un pistolet à crosse d’argent. En dehors de son visage, Bellamy était belle homme.
Lui-même regardait en sous-main la jeune femme, bien que petite, ses cheveux blonds roux reflétaient le soleil quand elle était sur le pont, et s’accordaient très bien avec ses yeux verts émeraudes. Ils étaient pour l’heure retenus dans une mantille d’argent filée de perles. Elle portait ce soir-là une robe couleur feuille d’automne qui dévoilait à peine sa poitrine menue, protégée des regards pas un col en dentelle de Hollande.
Elle était belle, jeune et fraîche comme l’aube. Bien loin de cet homme qui a trente ans était crépusculaire. Le soleil et la lune se faisaient face, dans un duel aux chandelles.
Bellamy n’eut guère à faire pour lancer une conversation, tout comme son aimée, elle parlait bien, connaissait beaucoup de choses et était savantes aussi bien en lettres qu’en science. Elle découvrait sous le vernis du monstre et du bourreau traqué par toutes les flottes de guerre un homme de culture, qui avait installé une lourde bibliothèque dans sa cabine, où vieux ouvrages s’accordaient à côté des reliures de cuirs de livres neufs venus des presses de Paris ou de Londres.
Art, culture, religion, tout y passa. Et c’est éméchée que Doña Elvire regagna sa cabine, galamment accompagnée par Bellamy.
Les jours passèrent, puis les semaines. Le Lacrima Christi louvoyait dans l’attente d’un message. On voyait de plus en plus souvent le capitaine Bellamy discuter avec cette demoiselle Espagnole, qui parfois riait franchement. Un soir, ce fut Bellamy qui se mit à rire, ce qui émut ses camarades, qui n’avaient vu sourire le protestant que pour donner la mort. Le monstre revenait à la vie, même s’il était marqué pour toujours…