L’encens embaumait l’air de la grande salle impériale. Les
lourdes tentures aux étoffes chamarrées vibraient doucement au rythme lent de
la caresse du vent, tandis qu’un pâle soleil d’hiver entrait par les grandes
baies ouvertes, éclairant d’une lumière indécemment douce le catafalque
impérial.
Depuis un mois les pleureuses se relayaient pour garder la
dépouille de feu l’Impératrice Phénix, et depuis un mois leurs lamentations
accompagnaient les crissements des encensoirs de métal-lune que les prêtres
faisaient balancer au rythme de leurs prières.
Tout était mort dans l’empire depuis ce jour funeste, et le
Grand Chambellan attendait son heure pour relancer le cycle de la vie.
Engoncée dans une lourde cape, son masque à pointes couvrant
son visage, l’homme se tenait prostré, tandis que le vent forcissait dehors, et
que les lourdes soieries de Xinlin se trémoussaient comme des pucelles sous la
caresse d’un maître à danser. L’heure venait, un éclat de soleil tomba au même
moment sur la bière de son Altesse Impériale, tandis qu’un flot de magie,
plumes et flammes, faisait frémir la salle. L’invocation du Phénix Impérial, sa
Renaissance, venait d’avoir lieu.
Au-dessus du corps de l’Impératrice, une femme, altière, au
corps embrasé comme ses cheveux d’un rubis ardent se matérialisait dans des
gerbes de flammes écarlates et dorées. Sa peau était couleur de bronze, son
regard enflammé et son être ondulait comme une flamme soumise à la bise.
Le Grand Chambellan se redressa enfin, fit quelque pas vers
l’apparition du symbole des Impératrices et, prudent, fixa l’apparition. Cette
dernière, mutine, continuait de jouer au-dessus du catafalque de feu sa
maîtresse, et puis, soudain, croisant le regard de l’Eminence, elle sourit.
Il était l’heure pour le Chambellan de lâcher son Phénix à
travers les villes et les campagnes, pour désigner à nouveau à coup sûr la Maîtresse
de l’Empire.
Il ne dit qu’un mot, un seul, et l’apparition enflammée
fendit l’air comme un feu d’artifice aux fêtes de l’été. Deux coups de ses
mains puissantes, et les pleurs des femmes et les chants mortuaires des prêtres
furent immédiatement remplacés par des concerts de joies et des danses lascives
rappelant l’Empire à la vie…
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