dimanche 13 octobre 2013

Coquillage et crustacééééééés

Une bagarre, dans une assemblée enrhumée comme celle-là, c'était presque sûr qu'il fallait qu'il y en ait une qui se déclenche. Rangeant précautionneusement son médaillon, Bellamy jeta un coup d’œil aux gens qui l'entouraient. Il savait que Bombata et Gebedia avaient vu ce qui allait arriver, mais l'un et l'autre faisaient comme si de rien n'était. Il valait mieux paraître pas assez près, plutôt que sortir le premier dague et pistolet pour défourailler à tout va. Déjà, des regards de fouines vers les portes et les fenêtres indiquaient qui allait filer en douce, tandis que d'autres zyeutaient l'argent sur les tables, ou même la nourriture. Il n'y avait jamais de petit profits à Tortuga.
Les filles de l'établissement bougeaient lentement, prêtes à saisir leurs jupons, tandis que le barman, sans rien dire, passait une main sous le comptoir ou un énorme tromblon était caché.
Bien entendu, il allait sans dire que personne ne parlait, et que l'on pouvait entendre une mouche ou deux voleter dans l'air gras. L’atmosphère était si tendu qu'on aurait pu la couper au couteau.
Une pièce ou deux glissaient de mains en mains, parie sadique comme les sourires carnassiers, pleins de dents cassées ou pourries, chicots dégoulinants de chique ou de bétel. Le gamin n'avait aucune chance, c'était une certitude, la question était plutôt savoir combien de temps il allait tenir.
Quand le golgoth saisit sa chemise et le souleva, Bellamy sourit. Il l'avait bien cherché, quelle idée que de s'excuser, alors qu'il n'avait qu'à pousser son joli petit cul hors de la chaise que convoitait le loubard. Décidément, les jeunes marins étaient de plus en plus mal éduqués. Il se rappelait bien sa première bataille de bar, Hornigold l'avait entraîné dans toutes les tavernes de la ville, avant de le lâcher comme un étron en plein milieu d'un coupe gorge bien pire que ce lieu. Bellamy en était sorti avec une balafre au bras, un œil poché, et le nez cassé, une fois de plus.
Bombata mâchonnait, Gebedia regardait la scène, trop vieux pour avoir envie de se battre, trop jeune pour ne pas profiter du bon spectacle qui s'annonçait. Bellamy s'en moquait, il en avait vu tellement. Rentrant son médaillon dans sa poche, il se mit à se balancer. Un temps, puis deux, le gamin allait commencer à manquer d'air, déjà, son visage se faisait cramoisi. Ses petites jambes se baladaient dans le vide. Si il n'envoyait pas son pied d'un coup dans les parties de l'autre, il finirait mort, étouffé. Après, on jetterait son cadavre dans la rue, une fois qu'on lui eut soutiré ses vêtements. Horrible et cynique, mais tellement classique.
Cependant, quand il avait capté son regard, Bellamy avait senti quelque chose. Ce gamin avait l'air intéressant, pour un homme qui croyait au Destin, il était sûr que cela n'était pas que le fruit du hasard. Il allait tourner de l’œil, quand le capitaine sans navire se leva. N'avait-il pas dit qu'il voulait un rhum ? Marchant lentement, tandis que ses bottes faisaient crisser les nattes et le sable de la paillote, il posa négligemment la main sur son sabre, tandis que sa main gauche allait gratter son dos, là où sa Miséricorde pendait.

« Dégage du milieu Golgoth, et lâche le gamin, tu voudrais pas qu'on t'appelle croque-mitaine non ? »

Qui connaissait Bellamy savait que le regard qu'il lançait n'indiquait rien de bon. Ses yeux fauves étaient devenus deux billes noirs, aussi profond que l'onyx de la plume qui flottait à son chapeau.

L'insulte n'était pas voilée. L'autre venait cherchait la bagarre, et Bellamy avait une envie folle de se défouler sur le premier venu.  

jeudi 10 octobre 2013

Eloge du Nombrilisme

Entrer dans le métro, dehors, il fait froid, glacial, tandis que le vent souffle sur les quais de Seine. Espérer un peu de chaleur, humaine, ou autre.

Se glisser dans une rame, au dernier moment, courir pour entrer, bondir, se retrouver entasser aux milieux des gens. Le froid, glacial, dehors, a poussé les gens à revêtir des vêtements d'hivers, pulls, vestes et écharpes sont de sorties.

Terrible confusion gluante, amas de corps, mélangés, dans des attitudes obscènes. Ces mains qui se croisent, s'entrecroisent, s'entrelacent sur des barres de fers aussi brûlantes que de l'acide. Les odeurs des corps vivant, parfumes, sueurs, âcreté après une journée dehors, à travailler.

Prison, sentiment de solitude, d'abandon. Au cœur de la foule humaine, il se sent encore plus enfermé que dans une cellule. Serait-elle plus grande que ce petit bout de plastique ou ses pieds reposent. Ses pieds ? Est-ce vraiment les siens, dans ce magma noirci de chaussures bien cirées ? Ou est-ce celles de son voisin ? Quelle idée, il ne se distingue même plus lui-même, engoncé dans cette orgie de chairs entassées dans une boîte de sardine.

Penser à elle. Elle, qui le tient comme un pantin au bout du fil. Télécommunication, jeux amoureux. Qu'est-ce qu'il aimerait qu'elle soit là, près de lui. Atténuer ses angoisses. Pourtant, dans cette masse informe et livide, elles reviennent de plus belle. L'aime-t-il ? Oui, il en est certain, il a aimé autrefois, ce n'est pas la même chose, mais une exaltation étreint son cœur, il serait poète, il dirait son âme. Pourtant, ce sentiment, fugace, qui se love au plus profond de sa poitrine, au milieu de ses entrailles, le trahit. Il déteste ce monde, il déteste être enfermé là, au milieu de cette foule anonyme. Terrible angoisse, sera-t-il à la hauteur de l'image qu'il s'est forgée d'elle ? Il ne veut pas être déçu, ne pas penser à ça. Il l'aime. Mais...Ce petit mais insidieux, cette question existentielle. Lui qui a peur de s'engager, qui a peur de se retrouver la corde au cou, prisonnier attendant la sentence de mort.

Ce n'est pas tant l'aimer qui importe, c'est se dire : « et si ? ». Peur artificielle, peur d'un esprit torturé, qui a déjà ressenti un amour profond. Peur de gâcher, à nouveau, de ne pas se faire comprendre, ne pas comprendre. Rater le coche. Pourtant, là, il est dans le métro, certes ce n'est plus la même chose, mais cela y ressemble tellement.

Avoir peur, peur viscérale, physique. Sensation de malaise. Il étouffe, il voudrait hurler. Se mettre à sangloter, replier sur lui-même. S'enfermer dans son monde, son monde. Nombrilisme existentiel. Dieu, serait-il comme tout le monde lui qui se dit humaniste ? Ne serait-ce que des mots pour se faire mousser auprès d'elle, prétendre à quelque chose de meilleur...Alors qu'il n'est rien.

Terreur de déplaire, terreur de décevoir. Petits mots lancinants au fond de son esprit. Il ne veut pas croire qu'elle puisse le décevoir, c'est lui qui a peur de la tromper, peur d'être quelqu'un d'artificiel. Ses mots, ce ne sont que des artifices...Même s'il sont vrais, au plus profond de lui il sait qu'ils sont vrais, mais les mots trahissent la Vérité. Comment dire, utiliser un média, sans perdre le sens réel...Question existentielle dont il ne peut trouver la solution, tant il est oppressé. Pensées parasites, corps à corps avec ces gens inconnus.

Fuir, il ne sait faire que ça. Il a besoin de partir, de courir. Il enfonce la masse humaine, comme s'il fendait une motte de beurre avec son couteau, le matin, dans son petit appartement. Il s'enfonce dans cette masse gluante, il pousse.

 (re)Naissance.

Courir, grimper les marches, sortir. Air libre.

Il fait froid dehors, glacial, le vent souffle sur le grand boulevard.

Au cœur de la nuit, c'est pourtant là qu'il se sent le mieux. Seul, solitude éternelle sous le regard bienveillant de ses amies les constellations.

Marcher, à toute vitesse, esquiver la foule, se glisser, être libre.


Voilà ce qu'il voudrait qu'elle comprenne, qu'elle partage, peut-être. Volonté d'indépendance, d'être libre. Illusion, l'amour n'est-il pas une sorte de d'impasse dans sa réflexion ? Une aporie, barrage de la pensée rationnelle ? Se retrouver. Lui-même, dans la solitude. C'est ce dont il a besoin, l'essence de son être ; La question...C'est arrivera-t-il à la faire entrer dans cette solitude ? Parviendra-t-elle à se glisser au cœur de ce qu'il est....Un éternel marcheur solitaire ? Et sera-t-il capable de l'inviter dans ce monde mystérieux, enfantin, qu'il s'est forgé et où il règne du haut de sa tour d'ivoire, là où les murailles de sa pensée le protègent ?  

samedi 5 octobre 2013

Tour de manège...(Asdel et la recherche 01)

C'était un petit coin de paradis, perdu au milieu de la grande ville. Pour y aller, il fallait traverser tout Paris, d'Est en Ouest, ou peu s'en faut.

Prendre un métro, puis un suivant. Voyage fascinant au milieu de toutes les couches sociales, melting-pot de sensations, tandis que la rame gronde à travers les tunnels aussi noir que le fond de l'enfer.

C'est un petit monde en réduction, des gens qui se croisent, s'entrelacent, se mêlent dans une danse langoureuse, à chaque arrêt, changement imprévu, départ, arrivée. Quelques bousculades. Des sourires contrits, des excuses à demi-mot, à demi-voix. Un geste esquissé, puis plus rien. On ne se voit plus, on se regarde pas.

Pourtant tous ces visages sont fascinants, celui du travailleur, fatigué, les yeux pochés de s'être levé avant l'aube.

Plus tard, le cadre, moyen ou supérieur, cravate et chemise plissé par une journée harassante, le regard vide, anxieux, tandis que ses doigts jouent à toute vitesse une invisible partition. A-t-il perdu des millions en bourse ? Pense-t-il à sa maîtresse, cette petite jeune fille aux jambes gainées de soie noire, souriante et pimpante comme la vie, qui lui fait oublier l’acariâtre matrone qui réchauffe pourtant son lit et son dîner tous les soirs ?

Laissons le à ses pensées, et regardons plutôt ce couple hiératique, monsieur, quatre-vingt ou cent ans, on ne compte plus à cet âge là. Visage ridé comme une pomme blette, cheveux blancs peignés avec soin, et pourtant toujours des yeux pétillant de vie.

Madame, elle, regarde son visage en souriant, arrangeant une mèche imaginaire de sa permanente parfaitement réalisée à l'aide des fers à friser par sa coiffeuse qu'elle a connu lorsqu'elle était apprentie.

Devant eux, leur petite fille, une gamine encore ronde, la petite dernière de la famille, qui aimerait bien coller sa bouche contre la vitre, comme le petit garçon deux arrêts avant, pour goûter ce verre froid où l'on peut dessiner des bulles.

Son grand frère, ou son cousin, plus grand, lui, se tient bien droit, déjà désabusé par le monde, sa petite amie, ***, sept ans, lui a été soufflée par son meilleur ami. La barbe de devoir passer son après-midi avec ses grands parents alors qu'il y avait foot sur le terrain vague, ça aurait pu finir en bonne baston et la force de ses gnons aurait ravivé sa jeune flamme...

Instants de vie, instant de mort. Pauvre SDF que plus personne ne voit, emmitouflé dans SA station comme une momie par des dizaines de couvertures. Il a froid, déjà ses forces vitales le fuit, lui qui avait connu le bonheur d'un foyer, la joie du travail bien fait...Des choses auxquelles tout le monde aspire et devrait avoir le droit. Liberté Égalité Fraternité c'est ça ?

Pas de commisération dans ce monde injuste et sale, seulement une petite pièce, de temps en temps, histoire de se donner bonne conscience.

Moi même je ne suis pas exempt de ses pensées. Terribles. Serais-je capitaliste ? Ou pire ? Je préfère fuir, loin au-dessus de la mêlée, quitter la foule crasse de ce métro sur-bondé. Fuir, traverser ces pâtés de maison bien bourgeois. Pourtant, je croyais que Boulogne résonnait encore du fracas de Billancourt. Ce n'est qu'une succession de rue informe, ou plutôt, qui ont toutes la même forme, archétype de l'ancien quartier réhabilité par les cadres. Rues proprettes, murs de briques recouverts de fleurs. Les filles dans la rue marche vite, juchées sur des talons plus fins que des aiguilles, leurs robes légères appellent le printemps, alors que nous sommes déjà à l'automne, à moins que ce ne soit mon cœur et mon esprit qui se sont arrêtés, un de ces jours d'octobre où la pluie collait les feuilles des platanes de mon enfance dans la grande allée...

Fuir, toujours, avancer, à jamais. En avant, et tant pis pour le reste. Derrière les croisillons, des femmes espionnent leurs voisines, un piano, fenêtre ouverte, égrène des notes sporadiques. Jeux de dupes en ré mineur. Suite de maisons identiques, aveugles sans être lépreuses, nous ne sommes pas à Barbès que diable. Mais la maladie qui étreint les os, le sang et les chairs, peut-être qu'elle existe DANS ses petits pavillons ? Bien entendu, il vaut mieux cacher les débris hématiques de cette insidieuse tuberculose nommée jalousie par certains. Et puis merde, la lutte des classes est mort en 89.

Fuir, toujours, avancer, à jamais. Chercher quelque part pour se reposer, citadelle imprenable, ou du moins mieux fortifiée que le cœur et l'esprit. Je l'ai trouvé, au détour d'une rue, d'une place. C'est un petit temple blanchi à la chaux, à défaut d'être en marbre, trop vulgaire somme toute depuis que le Parthénon existe.


Je pousse la porte, un gardien m'introduit, au milieu d'une galerie ou des tableaux premier empire (c'est important, mon meilleur ami déteste ceci, lui l'historien de l'art à la culture plus profonde que la Fosse des Mariannes). Un escalier, velours sur lambris de bois satiné, ou patiné, par des années de passage et de travail à la cire. Nouveaux couloirs, nouvelles portes. Un grand linteau noir, au-dessus, serait-ce les armes de l'Empereur ? Pousse la porte, acte de foi. Pousser la porte, rentrer dans une petite pièce à l'éclairage diffus, calme et paisible. Pousser la porte, craintif, comme on entre dans le Saint des Saints. Au mur, des bibliothèques pleines d'ouvrages, anciens ou non. Un seul cri de ralliement « Vive l'Empereur ! », tous ces papiers porte Sa marque. On s'attendrait presque à sentir l'encens d'un culte païen de la grandeur de la Nation incarnée. Cela est remplacé par la délicieuse odeur de ces pages jaunies par le temps, tandis que la main effleure avec précaution, comme on toucherait les pieds d'une statue, les reliures de cuir ou de carton....  

vendredi 4 octobre 2013

Une petite auberge, qui sent bon la châtaigne....

La pluie avait détrempé le chemin creux par où l'homme qu'on appelait Sans Nom visitait les monts et les vaux. Que faisait-il dans ces contrées ? Il n'en avait aucune idée, sinon qu'il marchait, solitaire, à la recherche de qui il avait été.

C'était une de ces périodes d'hivernage, ou le Dédain ne prenait pas la mer. Sans Nom avait profité d'une nuit pour prendre quelques semaines de vacances. Ce n'était pas à vrai dire une désertion, le bateau ayant souffert de sa croisière d'été, et la relâche avait été accueillie par tous comme un temps de paix à mettre à profite pour se saouler, découcher et oublier les horreurs de cette sanguinolente guerre contre la piraterie.
Il marchait donc d'un bon pas, profitant de l'accalmie entre deux trombes d'eau tombée de ce ciel aussi noir que la gueule des Enfers de Nayris.

Nayris...Au cours de ses voyages, Sans Nom s'était longuement posé des questions sur cette petite fille en ivoire qu'il ne pouvait ni jeter ni vendre, malgré toutes ses tentatives. Quelque chose, toujours, l'empêchait au dernier moment de se séparer de la poupée si bien dessinée, et pourtant très ancienne. Du moins, c'est ce qu'un érudit des ghettos d'Abyssaï lui avait dit, en essayant de l'escroquer avec sa jolie fille pour qu'il cède à la tentation de connaître un avenir fait de femmes et d'argent que même les nains n'auraient jamais.

Une statuette de Nayris, et cette envie de violence, intenable, qui le prenait au plus fort des combats. Etait-il un de ces guerriers de la Déesse, un saigneur de la guerre qui ne vivait que pour le sang et les flammes ? Il s'était rendu compte dans les batailles du Dédain qu'il aimait la Mort, et que la Fortune dansait avec lui, comme si les walkyries protégeaient son chemin au milieu du carnage. De nouvelles estafilades marquaient ses muscles, dont une coupure qui courrait le long de son avant-bras, trait sanglant rouge rubis, encore à vif, en parallèle d'un tatouage tout en arabesque qui rappelait les contours flous d'un triskell.

Sans Nom parcourait le monde à la recherche de réponses, si proches et pourtant si éloignées. Nul trace de qui il avait été, comme s'il n'avait jamais existé avant cette nuit dans les ruelles d'Abyssaï, ou il s'était éveillé, casqué et armé, au milieu de corps sanguinolents de traînes rapières et autres coupes jarrets. Nul blessure, si ce n'était une commotion aussi grosse qu'un œuf, et un mal de crâne lancinant qui lui donnait la nausée. Migraines et cauchemars étaient son quotidien, et parfois il avait envie de baisser les bras, ne plus chercher à comprendre. Pourtant ce désir impérieux le rappelait toujours, le forçait à continuer, malgré ses doutes, malgré ses désirs de paix. Il devait vivre par l'épée, il mourrait par l'épée.

Il marchait donc, sans repos, si ce n'était quelques heures plus tôt une pause pour emplir sa gourde dans l'eau d'un torrent de montagne aussi pur que le cristal. Ses jambes avalaient les milles sans soucis, amusées de revoir cette terre qu'il avait quitté il y'a déjà si longtemps. Sa respiration, profonde et tranquille, suivait son effort tout comme ses muscles. Sans Nom communiait avec la nature dans cette marche paisible à travers cette contrée de nulle part et d'ailleurs. Le vent soufflait frais, apportant des odeurs de terre, mais aussi d'herbes coupées. Les arbres bruissaient sous la caresse de l'autan, alors que le soleil, là-bas, vers l'Ouest, se couchait. D'autres sons provenaient maintenant aux oreilles du barbare. Ceux de la vie, un village quelconque, meuglements d'animaux, tonalité de la vie paisible d'une campagne presque endormie. Les arômes du pain cuit sur la cendre titillait son nez fin de chasseur, faisant déjà saliver ses papilles et gronder son ventre à l'idée d'un bon repas, changement bienvenue alors qu'il mangeait depuis son départ d'Abyssaï des morceaux de viande séchées aussi dur que le cuir de l'énorme ceinture qui protégeait son bas ventre des mauvais coups.

Il marchait donc, sur ce chemin boueux, le pied plus léger, prêt à se fendre d'un bon gueuleton avec ses pièces de cuivre, quand il arriva sur la place centrale du village. Quelque chose n'allait pas, un homme titubait, soutenu par deux compères qui n'allaient guère mieux vu le rouge qui tâchait leurs chemises et les gnons noirs qui grandissaient à vue d’œil comme des œufs pochés dans une poêle.

Un grand guerrier tout casqué et armuré les coinça, brutalisant un peu plus un des geignard qui n'en demandait pas tant. Sans Nom s'en moquait, il croyait que seuls les forts avaient le droit de vivre sur ces terres. Mais l'allure du guerrier ne lui disait rien, trop brutal, trop bien armé. Un fou de guerre...Quand il relâcha le paysan, il s'enfonça comme une tempête dans l'auberge, marquée par une enseigne en forme de choppe qui grinçait dans l'air du soir.


Sur qu'une bagarre allait commencer, et vu l'épée que l'autre portait, ce n'était pas juste des gnons qui allaient être échangés....