dimanche 23 novembre 2014

Chabadabda ou l'amour tout en douceur

Il se réveille en sursaut. Une fois de plus, il a rêvé d’elle. Cette préférence à lui, insaisissable. Cette femme qui l’attire irrémédiablement par sa grâce, mais qui ne sera définitivement jamais sienne. Et c'est autant mieux. 

Inconnue délicate, papillon éphémère d’un rêve. Il a encore l’impression de sentir l’encre de ses yeux couleurs menthe à l'eau se poser sur lui. La tendresse de sa main glisser le long de sa joue râpeuse.  Le velours de ses lèvres déposer un chaste baiser au creux de son sourire.

Il se lève, triste, sortant, hagard, de ses draps enroulés. Il se lève, ouvre la fenêtre et inspire l’air pur. Chasser les mauvais rêves, chasser les embruns d’alcool, chasser ces tristes pensées.

Dehors, l’aube rose lutte contre les derniers reflets de la nuit noire. Instant délicat où le camaïeu nocturne se transforme, comme par magie, en une myriade de mots bleus qui se dorent de plus en plus, en passant par toutes les notes de carmin.

Il inspire, expire. Il essaye, encore une fois, de raisonner. Pourquoi est-ce qu’elle le hante ? Le cœur a ses raisons que la raison ignore. Putain de citation. Si facile. Si incomplète. Si erronée.

Elle n’a jamais rien fait pour qu’il se méprenne, pour qu’il ose espérer, pour qu’il ait envie de croire à des lendemains qui chantent.

Non, il n’aimerait même pas chercher des mots qu’on dit avec les yeux, de peur du ridicule, d’être parfaitement futile et suranné. Jusqu’à en finir par être malheureux, de sa propre inconstante bêtise. De peur de se blesser, une fois de plus. Se brûler les ailes.

Il prend un papier. Un stylo. Des mots futiles de ce rêve. Essayer de décrire ces sensations fugitives déjà disparu dans les brumes de son sommeil.

La plume mord de ses crocs noirs d’encre la cellulose, imprègne de ces pensées passagères, de ce rêve éphémère et délicat, aussi inconstant que l’a pu être Ernest. Il écrit ces mots, sans jamais savoir qui les lira. Qui les comprendra. Qui le tiendra, un jour, tout contre son sein.

Et ne le quittera pas.

Il l’a décrit. Elle n’est pas très grande, de près ou de loin. Elle se tient sous un porche gothique de pierre grise. Elle se tient, droite, tandis qu’il l’approche. Ses cheveux longs, qui tirent entre le châtain clair et le blond vénitien,  tandis qu’un rayon de soleil les éclairent dans une coulée bronze. Son visage, pâle comme le marbre, et qui tranche avec le carmin de son rouge à lèvre qui barre ses traits d’un énigmatique sourire. Un nez busqué, aussi mutin que ses yeux noisette aux paillettes d’or. Elle est belle, si belle cette délicieuse inconnue.

Pourquoi ? Pourquoi l’homme doit il rêver de l’impossible alors que la raison le pousse à vivre dans une solitude, cette solitude qu’il aime tant. Etre seul. Pouvoir vivre comme bon lui chante, quand il veut, où il veut. Partir sur un coup de tête à l’autre bout du monde, ou dans la rue et se perdre, définitivement.

Marcher pour se perdre. Marcher pour se dérouter. Marcher pour perdre l'ensemble des sensations et des sentiments. 

Marcher dans ces allées pleines d’une foule compacte dans laquelle on se sent unique. Marcher dans cette masse dégoûtante, de sons, d’odeurs, de touchers parasites.


Marcher pour les retrouver. Quand il s’est bien perdu. Retrouver ces amis, ces parents, ces gens qu’il aime et qu’il adore. Sans jamais pourvoir leur dire. Aimer leurs qualités et aimer leurs défauts. Sans jamais qu’ils le comprennent réellement. Aimer. Sans être sûr qu’il n’arrivera jamais à combler tous ces espoirs débiles d’une vie peut-être meilleure. Aimer sans que, finalement, ils se rendent compte de qui il parle au travers de ces mots délicieusement désuets. 

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