Ce goût. Unique.
Mélange à la fois doux et amer. Comme un café sucré dans un bar miteux. Comme
une San bitter Rosso. Comme un poulet sauce Aigre-Douce de chez Uncle Bens.
Ce goût, qui reste sur le palais. Encore et toujours. Malgré
a fumée, malgré l’alcool, malgré la bile. Il aurait pu se décaper la trachée à
l’acide, il ne l’en oublierait pas moins.
Ce goût qui reste. Même s’il lave, encore et encore, les
draps de tissus chamarrés. Là où son parfum s’est déposé, au plus profond de la
laine de ses pulls, au plus profond de la toile de ses blue jeans, au plus
profond du col de ses chemises jamais complètement repassées.
Il se souvient, encore et encore, de ce goût doux amer qui
brûle toujours ses lèvres, là où ses baisers, à elle, se déposaient alors. Là.
Juste dans le coin. Mutine, frustrante, et espiègle, comme son petit sourire
imperceptiblement taquin.
Il oubliera peut-être un jour son visage, ses traits, tandis
que les charmes du temps embaumeront ses souvenirs. Mais il est certain que
jamais, ô grand jamais, il n’oubliera ce petit sourire délicieusement narquois,
à peine plus railleur qu’il ne l’aurait fallu, et toujours aussi frais et
vivifiant que son rire de gamine.
Des petits détails, infimes, qui restent encore accrochés,
souvenirs doux amers, dans des recoins les plus écoulés de ses souvenirs. Ou
dans les recoins les plus tordus de son appartement. Au détour du miroir,
tandis qu’il se regarde le matin et voit qu’elle n’est pas là, en train de se
brosser les dents ou se maquiller. Dans la salle à manger, et ses deux chaises
qui se regardent, face à face, chien de faïence suédois où l’une des deux ne
sera plus jamais là. Au plus profond de la chambre à coucher, sur ce matelas,
là, à gauche, où sa chair a définitivement marqué son empreinte d’une manière
imperceptiblement intangible, pour l’éternité.
Il a beau essayer de s’en séparer, malgré ses efforts,
quelque chose, toujours, le ramène à elle. Des yeux croisés dans la rue qui
ressemblent à s’y méprendre au sien, la fragrance de son parfum tandis qu’un
corps qui n’est pas le sien dans la danse indélicate et lascive du métro, le
claquement sec des talons sur le parquet du couloir qui le réveille tous les
matins.
Il sourit, doux amer, en buvant son café trop sucré. Elle ne
l’a jamais aimé, ce café. Au déjeuner, il a avalé un plat de poulet aigre-doux,
et il achèterait bien, pour ce soir, une San bitter. Boire, manger, vivre. Pour se rappeler. Pour
faire la paix. Pour tout oublier. Sauf ce petit goût doux amer.
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