lundi 5 janvier 2015

La rue d'Ivry(sse) sensorielle.

La journée était à la neige, il pluvinait un mélange d’eau glacée et de grésil. Le tout collait au sol et aux vêtements, et manquait faire déraper les passants sur les pavés humides. Le froid, rigoureux, n’était pas le pire ennemi de cette journée, bien que la bise frigorifiait la moindre parcelle de peau à l’ait libre. La rue était pleine de monde, malgré la nuit qui tombait peu à peu. Déjà les néons et autres halogènes brûlaient, diaphane, en offrant à la rue un air de fête de fin d’année. Impression accentuée par les nuages de buées exhalés par les passants.


Le jeune homme marchait rapidement, se frayant un passage dans la masse de cette population aux mille couleurs du monde. Jaunes, ou blancs, ou noirs. Tous venaient acheter ou vendre sur ce marché à l’air libre, dans une cacophonie de langues de l’Asie, de l’Europe ou de l’Afrique. Voitures et cyclo-pousses conduisaient habilement entre les badauds et les étals à la sauvette qui criaient le nom de plats et autres légumes totalement inconnus et exotiques. Poussant une porte, le jeune homme entra enfin vers son but, le Palais des Mille Saveurs. Un autre monde, un autre univers. 

Dedans, c’était la même fantaisie qu’à l’extérieur. Chaud, bruyant. Il ne manquerait que l'humidité tropicale et il se croirait à Saïgon ou Singapour. Fruits et primeurs de l’Asie, viande du monde entier, poisson frais du Pacifique. Cent et une odeurs se mêlaient dans l’air. Il avançait dans ce fouillis, esquivant femmes et hommes de tous les âges, manquant s’embroncher dans les caddys ou bouscule un enfant qui courrait avec un gâteau en pâte de haricot enfourné dans la bouche. Il humait le parfum des épices, suaves ou piquantes, voires amères pour certaines. Il touchait du bout des doigts les légumes, n’hésitait pas à goûter les plats qu’on lui proposait, se repaissant des fruits miracles acidulés qui coupait tous les autres acides. Dans son sac, il empaquetait ce qui lui chantait, fruits et légumes, œufs défiant toute concurrence en termes de taille et de prix, mais aussi viandes et soupes chinoises. 

De quoi s’accommoder pour quelques jours de bons repas.

 Mais bien qu’il aime cuisiner, ce n’est pas la seule motivation qui le pousse à s’enfoncer dans les tréfonds ce quartier. Non, ce qu’il adore, c’est entrer dans un autre monde. Plonger dans une foultitude de langues, de cris et de mots qu’il ne comprend pas. Du thaî, du méo ou du viet, qu’importe. Regarder les jolies jeunes filles chinoises toujours en bande entrer dans un grand rire dans les restaurants de soupe. Avoir l’impression de voyager simplement en allant au bout du métro, à 10 minutes à peine de Châtelet. Se perdre dans Chinatown, se perdre dans ce quartier, le treizième, celui qu’il aime tant. Car ici enfin il se sent chez lui.  

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