La journée était à la neige, il pluvinait un mélange d’eau
glacée et de grésil. Le tout collait au sol et aux vêtements, et manquait faire
déraper les passants sur les pavés humides. Le froid, rigoureux, n’était pas le
pire ennemi de cette journée, bien que la bise frigorifiait la moindre parcelle
de peau à l’ait libre. La rue était pleine de monde, malgré la nuit qui tombait
peu à peu. Déjà les néons et autres halogènes brûlaient, diaphane, en offrant à
la rue un air de fête de fin d’année. Impression accentuée par les nuages de
buées exhalés par les passants.
Le jeune homme marchait rapidement, se frayant un passage
dans la masse de cette population aux mille couleurs du monde. Jaunes, ou
blancs, ou noirs. Tous venaient acheter ou vendre sur ce marché à l’air libre,
dans une cacophonie de langues de l’Asie, de l’Europe ou de l’Afrique. Voitures
et cyclo-pousses conduisaient habilement entre les badauds et les étals à la
sauvette qui criaient le nom de plats et autres légumes totalement inconnus et
exotiques. Poussant une porte, le jeune homme entra enfin vers son but, le
Palais des Mille Saveurs. Un autre monde, un autre univers.
Dedans, c’était la même fantaisie qu’à l’extérieur. Chaud, bruyant. Il ne manquerait que l'humidité tropicale et il se croirait à Saïgon ou Singapour.
Fruits et primeurs de l’Asie, viande du monde entier, poisson frais du Pacifique.
Cent et une odeurs se mêlaient dans l’air. Il avançait dans ce fouillis,
esquivant femmes et hommes de tous les âges, manquant s’embroncher dans les caddys
ou bouscule un enfant qui courrait avec un gâteau en pâte de haricot enfourné
dans la bouche. Il humait le parfum des épices, suaves ou piquantes, voires
amères pour certaines. Il touchait du bout des doigts les légumes, n’hésitait
pas à goûter les plats qu’on lui proposait, se repaissant des fruits miracles
acidulés qui coupait tous les autres acides. Dans son sac, il empaquetait ce
qui lui chantait, fruits et légumes, œufs défiant toute concurrence en termes
de taille et de prix, mais aussi viandes et soupes chinoises.
De quoi s’accommoder
pour quelques jours de bons repas.
Mais bien qu’il aime cuisiner, ce n’est pas
la seule motivation qui le pousse à s’enfoncer dans les tréfonds ce quartier.
Non, ce qu’il adore, c’est entrer dans un autre monde. Plonger dans une
foultitude de langues, de cris et de mots qu’il ne comprend pas. Du thaî, du
méo ou du viet, qu’importe. Regarder les jolies jeunes filles chinoises
toujours en bande entrer dans un grand rire dans les restaurants de soupe.
Avoir l’impression de voyager simplement en allant au bout du métro, à 10 minutes
à peine de Châtelet. Se perdre dans Chinatown, se perdre dans ce quartier, le
treizième, celui qu’il aime tant. Car ici enfin il se sent chez lui.
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