vendredi 8 février 2013

Mortelles passions



Elle reprenait vie, André sentait ses mouvements convulsifs, d’abord ses bras, qui le serrèrent contre elle, et puis le tremblement de son corps, tandis qu’elle pleurait doucement contre son épaule. Il la laissait faire, lentement, la berçant doucement, comme s’ils étaient loin, à des milliers de milles, de cette scène de sang et de mort. Il lui offrait sa chaleur, du bout des doigts, de sa poitrine où il sentait les larmes se mêler aux humeurs des morts, le liquide salé glissait le long de son torse comme sur le visage de Sid, laissant de longues traces blanches, acte de purification après l’holocauste, le sacrifice brutal d’une vie pour le Destin.
Sid tremblait moins, même si ses larmes n’étaient pas encore séchées. Le capitaine sentait la chaleur de leurs deux corps se diffuser, communiquer la vie, dans leur deux âmes réunies. Il sentait ses cheveux frôler son menton, sa respiration se faire plus calme contre son sein, son souffle régulier et tiède le faisant légèrement frissonner.
Ils n’avaient jamais été aussi proche qu’en cet instant, collés l’un contre l’autre dans une lente dans de la vie, après ce tango mortel et passionné qui avait ravagé par sa furie le petit coin de paradis. André serrait de ses bras la jeune femme, comme elle répondait en griffant son dos. Ils sentaient le sang, la sueur et la mort, mais le capitaine n’aurait jamais pu être plus heureux qu’à cet instant. Ce parfum l’enivrait, exaltait ses sens et son âme. Peau contre peau, il glissait lentement, avec une infinie tendresse, ses mains contre la chemise de la jeune femme détrempée par l’hémoglobine. Au travers du fin tissu rêche, il sentait la chair mordorée et soyeuse qui irradiait au rythme de ses battements de cœur.
Elle releva la tête, deux traits blancs coulaient sous ses yeux, alors que ses joues et son front étaient tâchés de boue et de sang. Lui-même ne devait pas être mieux, les yeux plongés dans ceux de la jeune femme, son mâle visage maculé par le liquide carmin qui commençait à peine à coaguler sous la chaleur du soleil. Pourtant, au fond de lui, le jeune homme la trouvait belle, même, elle n’avait jamais été aussi belle que dans cet instant au paroxysme de leur proximité physique.
Elle le regardait, ces grands yeux verts grands ouverts sur la vie jetés dans l’abyme de la folie. Elle avait eu peur, mais lentement, elle revenait d’entre les morts. André lui souriait, sans rien dire, ses paupières baissées sur ses globes bleus marines.  Sinople et Azur, eau et forêt. Rencontre de deux âmes farouches dans un lieu et un moment de perfection absolue.
Sid releva sa tête, offrant ses lèvres rouges sang à André. Avec passion, il rendit le baiser. Contact éphémère qui dura une éternité, ou leurs langues joueuses léchèrent avidement la peau de l’autre comme si elles venaient de trouver l’Eau de Jouvence. Baiser salé, baiser de sang. André gouttait les larmes de la jeune femme mélangées au sang des morts, c’était le plus capiteux des vins, le plus doux des élixirs, l’ambroisie que les Dieux de l’Olympe consommait en se jouant des mortels. C’était le baiser de deux âmes voraces qui venaient de sortir de l’enfer, c’était la joie primordiale de ceux qui connaissent le prix de la vie, le bonheur de connaître une fois de plus la passion dans ce monde brutal.
Plus que leurs langues, maintenant, c’étaient leur main, leur peau, tout leur corps qui se lançaient dans une ronde de la vitalité. Le capitaine ne savait plus où il était, emporté par la passion et les parfums enivrant de la féminité exacerbée de son amante. Sid répondait à ses attentes, excitant ses sens tout comme les siens étaient enflammés. Il la souleva, la serrant contre lui, tandis qu’il sentait ses ongles arracher sa chemise sanglante et griffer son dos.
Leurs corps se jetaient l’un contre l’autre, violence de deux passions forgés par la dureté de la vie. Ils glissaient lentement dans une folie, tandis qu’ils coulaient dans l’eau bourbeuse de la plage.
C’était un pugilat antique, deux corps, deux âmes, plongés au cœur de la vie. Leurs baisers, leurs caresses n’étaient plus suffisantes. Ils allaient au bout d’eux même, au bout de leur passion et de leur être.

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