mercredi 22 octobre 2014

Se perdre la nuit

Se perdre, légèrement ivre, dans les rues de Paris. Le sol, détrempé par la pluie, brillait des milles éclats des réverbères.

Les rues n’étaient qu’une succession de façades grises, hautes, tristes et sans visage, comme celles d’une prison. De temps en temps, derrière des voiles feutrés, un petit éclat de lumière brillait, comme un poste vigilant d’un mirador qui en guise de barbelés se contentait d’une balustrade d’acier. Aucun espoir de chaleur, de vie, ou de sentiment derrières ces grandes fenêtres aveuglées comme la Justice et ses symboliques. Il aurait pu faire tout noir, comme dans ce ciel, là-haut qui surveillait la marche fourvoyée du jeune homme, cela aurait été du pareil au même. Aucun éclat d’étoile dans ce pays, aucune promesse de liberté pour l’éternel prisonnier qui marche, sans savoir où il va, dans ces rues froides et humides. Même pas l’étoile du Nord, le guide des bergers, pour éclairer cette solitaire errance dans Paris.

A quoi pense-t-il, dans cette marche éperdue vers nulle part ? S’il le savait lui-même, peut-être qu’il ne déambulerait pas à cette heure indue. A quoi pense-t-il ? Forcément, quelque chose, une femme, une envie d’écrire, le plaisir de se perdre pour se retrouver. Les trois à la fois ? Se perdre dans les bras d’une femme, il connait bien cette sensation, disparaître, totalement, au creux de ses seins accueillants. S’enfuir, sous les caresses délicates d’une main qui se perd dans ses cheveux. Les murmures tendre, comme ceux que sa mère aurait du lui dire, autrefois, et qu’il a totalement oublié dans l’usure de sa mémoire. Il cherche, en marchant, ces paroles d’amour qui redonne du courage, réchauffe l’âme et lui donne envie d’avancer. Ces mots que seul une femme peut donner, offrir dans l’entrelacement de deux corps repus de leurs bas instincts, dans la tendre du moment post-coïtal, quand on s’offre totalement l’un l’autre, dans les caresses de deux âmes qui non plus de secrets l’une pour l’autre. Ces mots qu’il aimerait entendre, de sa bouche, une fois de plus. Pour se sentir à nouveau vivant, avoir envie de marcher, encore une fois.

Un pas de plus, gagné contre l’ennui, le désespoir, la mort. Un pas de plus gagné pour la vie. Il saurait l’écrire, avec les mêmes imperfections que tout écrivain rencontre pour mettre en mot ces maux. Passion aimer et souffrir, les deux à la fois, sans trêve ni possibilité d’y réchapper. Un mot, une parole, une lettre sur un papier, pour sur vivre, pour aimer, pour dire ce qu’il n’arrive pas à mettre en parole ou comprendre.

Cette douleur qui l’agace, encore et encore, blessure ancienne qui l’empêche d’avancer, même si pour l’heure il est en train de marcher dans la nuit.

Il ne peut pas leur en vouloir, même s’il aimerait les haïr, plutôt que les aimer, toutes, avec le même amour qu’il a toujours cherché. Un amour sans faille, aveugle, possessif. Aimer, en entier, jusqu’à s’en rendre malade, parce qu’avant il n’avait jamais aimé, à moins qu’il n’ait jamais été aimé. C’est du pareil au même.


Marcher dans la nuit. Marcher avec un seul espoir. Marcher pour se retrouver. 

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