Néo-Romandia, an de grâce 2***
La plaine d’herbe grasse de cette fin d’hiver avait laissé
place aux piémonts. Désormais, les deux voitures tout de noires vêtues
roulaient sur une route sinueuse, mais rien d’inconfortable vue les options de
ces véhicules sur coussin d’air.
Kanzaki tapotait l’accoudoir du siège arrière, sur un rythme
de trois petit coups, puis deux, plus longs, avant de recommencer. Son patron,
Monsieur Donovan, l’avait envoyée dans ce trou paumé, bien loin de Terra Prima
et de ses vraies missions, celles qui exaltaient la jeune asiatique, celle où
elle risquait sa vie pour le Consortium Cartledger. Une simple mission d’escorte,
la routine, aller sur cette planète où l’on faisait paître la meilleure viande
de toute la galaxie, mais aussi la plus chère, car reconstruite en laboratoire.
Délires de scientifiques de recréer de vraies vaches. Pourtant, les prépak d’Hippoléphant
étaient très bon, et facile à trouver. Décidément, elle ne comprendrait jamais
le luxe de ses patrons, elle qui se contentait dans la vie de choses simples :
lever à l’aube, séance d’arts martiaux, douche, journée de boulot, une pause au
milieu, et le soir un bon prépak. C’était tout ce dont elle avait besoin, en
plus de l’adrénaline de ses missions de protections. Agent de sécurité d’une
des plus grandes mégacorpo avait un coût, celui de risquer sa peau, mais c’était
bien payé.
Elle soupira en jetant un regard aussi noir que la laque de
ses cheveux ou l’obsidienne de ses yeux par la vitre teintée. Maintenant, c’était
des sapins accrochés à flancs de montagne, piquets bien alignés au-dessus d’un
torrent artificiel. Bien mieux que les longues plaines de blé doré ou de choux
(quelle horreur, des choux biologiques, qu’est-ce qu’ils devaient contenir
comme maladies ?). Mais même cela ne lui donnait pas trop d’envie. Elle
jeta un coup d’œil à son reflet dans la vitre. Elle ne se ressemblait pas, et
cela fit poindre un sourire moqueur sur ses lèvres. D’habitude, elle portait
une tenue de combat seyante, pull à col roulé noir, pantalon noir, bottines.
Aujourd’hui, Donovan avait été claire, elle avait dû enfiler un inconfortable
tailleur, stricte et sévère, c’était déjà ça. Le plus dur avait été de devoir
se maquiller et laisser ses cheveux dénoués. Bref, de laisser transparaître le
petit bout de femme qui se cachait dans cette ancienne des forces spéciale.
Elle se dépréciait involontairement, car qui voyait, même dans ses mauvaises
journées, cette jeune fille qui semblait avoir arrêté le temps au tout début de
la vingtaine, elle avait presque trente, aurait pu être attiré par ce visage en
cœur, ses dents de perles que révélait rarement un sourire éclatant et ce teint de lait presque naturel, héritage d'un savant métissage européano-asiatique. Pour le
reste, si elle n’avait pas une poitrine digne des actrices des chaînes pour
adultes, elle se défendait avec des formes féminines radieuses sous ces atours
dignes de son sexe.
Mais pour elle, dans cette mâtine radieuse de début de printemps, alors que les neiges des grands pics de cette planètes commençait de fondre, elle avait l'impression de à une de ses
poupées en ivoire de son enfance à Néo-Tokyo, ou pire, à ses sœurs, le kimono et le fard de riz en moins. Même pas la place pour une
arme, seulement un petit pistolet de poche sans pouvoir d’arrêt dans cet infâme
sac à main ridicule. Le sourire goguenard de ses hommes avait failli la faire
rougir, mais une menace bien placé et ils avaient embarqué sans rechigner, deux
conducteurs, la première voiture pour elle, la seconde pour deux gros bras en
plus. Costumes sombres, pas de marque de corporation, même sur les lunettes
écran. Discrétion et tout le tralala qui allait avec. Et donc le déplaisir de
se morfondre dans ces engins anciens qui roulaient si lentement, à peine 100 à
l’heure, alors qu’un Aerodyne aurait été bien plus pratique. Décidément, le
client devait être bien particulier, pensait Kanzaki, tandis que le convoi
remontait la vallée.
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