« Ca va ? Tu sembles triste aujourd’hui ? »
Thomas sourit en sortant de ses pensées. Bien sûr qu’il est
triste. Triste de la regarder, cette amie à qui il ne peut dire ce qui le
trouble depuis des mois ou des semaines.
Thomas, c’est pas le genre de garçon dont les filles tombent
amoureuses. Il n’est pas sportif, ce n’est pas un battant et il est pas du
genre bad boy. Non, toujours propre sur soi, il parle calmement, bégayant un
peu quand on l’interrompt dans son raisonnement. Pour le reste, il est
relativement bien éduqué, cultivé raisonnablement et ne semble pas avoir l’intention
de faire le moindre mal à une mouche, même s’il le pouvait.
Deux grands yeux scrutent le monde, toujours tristes,
derrière une paire de fines lunettes. Une bouche trop petite, un menton fuyant
et une coupe trop stricte pour quelqu’un de son âge accompagnent chemise ternes
et pantalons en jean. Aucun sex appeal dans ce corps mince et presque trop
maigre, pâle comme un cachet d’aspirine et qui semble appartenir à un
souffreteux.
Fuyant, il sourit toujours quand quelque chose ne va pas.
Thomas n’est pas du genre à s’exprimer, il encaisse, comme il a toujours vu son
père le faire, et sa famille. Il encaisse, jusqu’au moment où il craque, mais
ses larmes, amères, il les garde pour ses nuits d’insomnie. Ou pour le moment
où il explose de rage, dans un volcan de violence, qui se retourne plus qu’à
son tour contre lui-même.
Egoïste, maladroit et nerveux, il semble toujours ridicule
et grandiloquent. Un temps en retard, ou plutôt, pas du genre à dire ses
sentiments. De peur de paraître faible, peut-être.
Alors il s’enferre et s’enferme derrière ses grands yeux
tristes, il ne dit rien. De toute manière, qu’importe ce qu’il pourrait bien
dire, il sait par avance que la réponse le ferait souffrir. Il n’est pas le
genre de garçon dont on peut tomber amoureux. Un bon ami à la rigueur, car il
sait écouter, plutôt que s’expliquer. Oui, c’est ça Thomas, un gentilhomme qui
écoute, compatit sans geste, parce qu’il ne sait pas les faire. On ne lui a
jamais appris à serrer quelqu’un tout contre son cœur. Il ne sait qu’être là,
sans savoir comment montrer sa présence, de peur de s’imposer et de trébucher,
et de perdre la confiance que l’autre avait en lui. Cette petite once de
lumière qui lui donne la force d’affronter une fois de plus, se lancer à
nouveau sur la brèche, pour voir des lendemains qu’il sait par avance désenchanteurs.
Un désenchantement, c’est ce qui se trame derrière ses
grands yeux marron qui semblent si triste. Alors qu’il aimerait lui dire
combien elle l’ensorcelle, la charmante qui le hante. Mais ça, il ne le peut
pas. Par son éducation, son égoïsme, ou sa peur.
Alors, Thomas sourit, et, dans un tremblement traître qui ne
transparaît que dans sa main, il murmure ce simple mensonge :
« Mais si, tout va bien »
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