Des doigts frais qui se pressèrent sur sa nuque, tandis que son esprit divaguait au loin, au grès de la musique des flots qui murmuraient, là en-bas, une chanson triste.
Il ne bougea pas, tandis que finissait de se consumer son cône de bleue Lokie. Alors que les doigts frétillaient sur son cou, massage agréable, il essayait de deviner le parfum de ces mains féminines qui agaçaient sa nuque. Cela était particulièrement dur dans le goût de sel, mais une légère touche de prunier blanc, fragrance délicate, embaumait son nez. Son parfum, à elle, celle qu’il n’aurait pas osé espérer attendre, celle qu’il aurait aimé voir, ou haïr. Il ne savait toujours pas. Il aurait pu saisir cette main, et d’un geste la projeter en bas, puis aller voir son corps fracassé, démantibulé, son sang carmin se répandre dans les vagues, teintant de rouge le flot violine. La transformer en pantin, un bras en haut, l’autre en bas, et ses genoux curieusement inversé. Dur mort que l’Arlequin avait déjà prodigué, sans haine aucune, juste pour l’expérience. La chute était longue à ce qu’il parait, mais on ne souffrait pas. Oui, il aurait pu l’envoyer en bas, mais le voulait-il vraiment ? C’était une autre question.
Ses petits doigts se faisaient plus pressants, l’invitant à se retourner. Combien de secondes c’étaient écoulées depuis son arrivée ? Il avait l’impression que cela faisait des heures qu’elle hésitait à se coller contre lui, pour chercher à se réchauffer mutuellement. Elle glissait ses doigts le long de son dos, doucement, caresse fugace d’une amante. Pivot. Elle le regardait de ses grands yeux, et lui lui rendait son regard. Elle frémissait, doucement, transie de froid, ou de quelque chose d’autre. Elle semblait fiévreuse, mais dans les mouvements hâtifs de son propre cœur, il pouvait très bien être comme elle. Deux battements similaires, et différents à la fois, tout comme leur respiration. Ils mélangeaient leurs pensées dans une communication silencieuse, comme s’ils attendaient de voir qui ferait le premier pas. Ils se jaugeaient, deux bêtes fauves lâchées l’une contre l’autre. Mais pour l’Arlequin, c’était un tout autre combat que ceux qu’il avait pu mener avant. Ce n’était ni un duel l’arme à la main, ni même la conquête hasardeuse d’un cœur à prendre. C’était…Quelque chose de sublime et de transcendant, mais tout à la fois effrayant, bien plus que tout ce qu’il avait vu et vécu au cours de sa jeune existence, et ce même en tant qu’Adorateur de la Déesse de la Vie et de la Mort. Une partie d’échec où le baron ne savait pas vraiment si avancer ses pièces pouvait amener au bonheur ou à la catastrophe.
Deux joueurs d’échecs, lui les noirs, et elle les blancs, c’est donc elle qui ouvrit par une attaque franche et directe, le genre de coup élégant qui implique un cavalier. Une belle ouverture. Sans se faire prier, le fou répondit en tendant une main à la jeune fille. Courtoisement, il la baisa, sans effleurer de ses lèvres cette peau si douce au toucher, rafraichie par l’air marin. Gentilhomme il était, et gentilhomme il serait. Posant sa deuxième main contre le flanc de sa cavalière, il l’emporta doucement, sur l’air incertain que les vagues imposaient, valse à trois temps, lente et élégante, comme Niflheim l’était en cet instant. Sans se toucher, sauf quelques rares frôlements, le couple se mit à danser dans l’air incertain du soir, à la lumière de flambeau qui éclairait d’une lumière irréel ce toit perdu au milieu de l’océan. Là-bas, pas si loin, les feux de Miraï éclairaient la mer. Mais Earl s’en moquait, tout au plaisir de ce contact fugace avec la demoiselle. Un deux trois, un deux trois, et pirouette. Tout en délicatesse, elle pesait à peine sur le bras qu’il lui offrait comme support, mais elle se laissait juste ce qu’il fallait. La poétesse était-elle danseuse ? Ou bien fille de haute noblesse ? Baste de ces questions, il préférait la guider, tranquillement, ses yeux plongés dans les siens. Son sourire carmin se faisait plus grand, tout comme ses pupilles se dilataient, tandis qu’il voyait dans les siennes le reflet de sa peau blanchie par les crèmes et les masques qu’il apposait dessus. Le fantôme et la demoiselle, la princesse et son chevalier. Deux êtres unis dans une valse tragique, valse du temps. Deux êtres que tout reliait, mais que tout opposerait, bien vite, trop vite. Alors, il valait mieux profiter de l’instant. Cueillir le jour. Valser à n’en plus savoir ni le temps ni l’espace. Si la magie relevait de cet instant, elle les élèverait dans les airs, et ils disparaitraient, l’un dans l’autre, uni à jamais dans ce moment si particulier, tendre, mais qui ne cachait déjà plus le fait que bientôt, très vite, ils seraient définitivement séparés.
Prolonger l’instant, futilement, il se rapprochait d’elle, tandis qu’elle l’esquivait, et puis revenait. Danse bien loin des collets serrés, dans de la vie, de l’amour mais aussi d’une sauvagerie. Deux âmes qui s’entrechoquaient dans un combat inégal.
Laquelle des deux perdrait en première ? Ou s’avouerait vaincu. Il l’attirait à elle, doucement, elle était à peine plus petite que lui. Mais elle aussi l'attirait lentement, tout contre son sein qu'il pouvait voir palpiter sous la soie de cette robe si légère. Il pouvait sentir son souffle chaud sur son cou, tandis qu’elle approchait ses lèvres de sa poitrine. Il humait le parfum de ses cheveux, toujours attachés avec une maladresse enfantine, mais qui fleurait les mêmes senteurs de prunier que sa peau si douce sous ses mains. Sous l'azur de sa vêture refroidie par le vent hivernal, il pouvait noter tous les battements de son cœur, pour le moins du monde guère affolé. Elle le regardait, droit dans les yeux, d’un air indéchiffrable. Le mettait-elle au défi d’embrasser sa lippe rouge pour mieux le gifler ? Ou attendait-elle qu’il ose saisir ce fruit carmin, humide comme des fraises cueillie à la rosée ?
Il descendait lentement, son visage tout près du sien, presque à sentir l’haleine fraiche qu’elle exhalait, transie de froid, fumée légère et évanescente. Dans un murmure, il lui demanda, moitié railleur, moitié implorant, comme s'il ne savait toujours pas sur quel pied danser :
« Me permettrez-vous ? »
Il ne bougea pas, tandis que finissait de se consumer son cône de bleue Lokie. Alors que les doigts frétillaient sur son cou, massage agréable, il essayait de deviner le parfum de ces mains féminines qui agaçaient sa nuque. Cela était particulièrement dur dans le goût de sel, mais une légère touche de prunier blanc, fragrance délicate, embaumait son nez. Son parfum, à elle, celle qu’il n’aurait pas osé espérer attendre, celle qu’il aurait aimé voir, ou haïr. Il ne savait toujours pas. Il aurait pu saisir cette main, et d’un geste la projeter en bas, puis aller voir son corps fracassé, démantibulé, son sang carmin se répandre dans les vagues, teintant de rouge le flot violine. La transformer en pantin, un bras en haut, l’autre en bas, et ses genoux curieusement inversé. Dur mort que l’Arlequin avait déjà prodigué, sans haine aucune, juste pour l’expérience. La chute était longue à ce qu’il parait, mais on ne souffrait pas. Oui, il aurait pu l’envoyer en bas, mais le voulait-il vraiment ? C’était une autre question.
Ses petits doigts se faisaient plus pressants, l’invitant à se retourner. Combien de secondes c’étaient écoulées depuis son arrivée ? Il avait l’impression que cela faisait des heures qu’elle hésitait à se coller contre lui, pour chercher à se réchauffer mutuellement. Elle glissait ses doigts le long de son dos, doucement, caresse fugace d’une amante. Pivot. Elle le regardait de ses grands yeux, et lui lui rendait son regard. Elle frémissait, doucement, transie de froid, ou de quelque chose d’autre. Elle semblait fiévreuse, mais dans les mouvements hâtifs de son propre cœur, il pouvait très bien être comme elle. Deux battements similaires, et différents à la fois, tout comme leur respiration. Ils mélangeaient leurs pensées dans une communication silencieuse, comme s’ils attendaient de voir qui ferait le premier pas. Ils se jaugeaient, deux bêtes fauves lâchées l’une contre l’autre. Mais pour l’Arlequin, c’était un tout autre combat que ceux qu’il avait pu mener avant. Ce n’était ni un duel l’arme à la main, ni même la conquête hasardeuse d’un cœur à prendre. C’était…Quelque chose de sublime et de transcendant, mais tout à la fois effrayant, bien plus que tout ce qu’il avait vu et vécu au cours de sa jeune existence, et ce même en tant qu’Adorateur de la Déesse de la Vie et de la Mort. Une partie d’échec où le baron ne savait pas vraiment si avancer ses pièces pouvait amener au bonheur ou à la catastrophe.
Deux joueurs d’échecs, lui les noirs, et elle les blancs, c’est donc elle qui ouvrit par une attaque franche et directe, le genre de coup élégant qui implique un cavalier. Une belle ouverture. Sans se faire prier, le fou répondit en tendant une main à la jeune fille. Courtoisement, il la baisa, sans effleurer de ses lèvres cette peau si douce au toucher, rafraichie par l’air marin. Gentilhomme il était, et gentilhomme il serait. Posant sa deuxième main contre le flanc de sa cavalière, il l’emporta doucement, sur l’air incertain que les vagues imposaient, valse à trois temps, lente et élégante, comme Niflheim l’était en cet instant. Sans se toucher, sauf quelques rares frôlements, le couple se mit à danser dans l’air incertain du soir, à la lumière de flambeau qui éclairait d’une lumière irréel ce toit perdu au milieu de l’océan. Là-bas, pas si loin, les feux de Miraï éclairaient la mer. Mais Earl s’en moquait, tout au plaisir de ce contact fugace avec la demoiselle. Un deux trois, un deux trois, et pirouette. Tout en délicatesse, elle pesait à peine sur le bras qu’il lui offrait comme support, mais elle se laissait juste ce qu’il fallait. La poétesse était-elle danseuse ? Ou bien fille de haute noblesse ? Baste de ces questions, il préférait la guider, tranquillement, ses yeux plongés dans les siens. Son sourire carmin se faisait plus grand, tout comme ses pupilles se dilataient, tandis qu’il voyait dans les siennes le reflet de sa peau blanchie par les crèmes et les masques qu’il apposait dessus. Le fantôme et la demoiselle, la princesse et son chevalier. Deux êtres unis dans une valse tragique, valse du temps. Deux êtres que tout reliait, mais que tout opposerait, bien vite, trop vite. Alors, il valait mieux profiter de l’instant. Cueillir le jour. Valser à n’en plus savoir ni le temps ni l’espace. Si la magie relevait de cet instant, elle les élèverait dans les airs, et ils disparaitraient, l’un dans l’autre, uni à jamais dans ce moment si particulier, tendre, mais qui ne cachait déjà plus le fait que bientôt, très vite, ils seraient définitivement séparés.
Prolonger l’instant, futilement, il se rapprochait d’elle, tandis qu’elle l’esquivait, et puis revenait. Danse bien loin des collets serrés, dans de la vie, de l’amour mais aussi d’une sauvagerie. Deux âmes qui s’entrechoquaient dans un combat inégal.
Laquelle des deux perdrait en première ? Ou s’avouerait vaincu. Il l’attirait à elle, doucement, elle était à peine plus petite que lui. Mais elle aussi l'attirait lentement, tout contre son sein qu'il pouvait voir palpiter sous la soie de cette robe si légère. Il pouvait sentir son souffle chaud sur son cou, tandis qu’elle approchait ses lèvres de sa poitrine. Il humait le parfum de ses cheveux, toujours attachés avec une maladresse enfantine, mais qui fleurait les mêmes senteurs de prunier que sa peau si douce sous ses mains. Sous l'azur de sa vêture refroidie par le vent hivernal, il pouvait noter tous les battements de son cœur, pour le moins du monde guère affolé. Elle le regardait, droit dans les yeux, d’un air indéchiffrable. Le mettait-elle au défi d’embrasser sa lippe rouge pour mieux le gifler ? Ou attendait-elle qu’il ose saisir ce fruit carmin, humide comme des fraises cueillie à la rosée ?
Il descendait lentement, son visage tout près du sien, presque à sentir l’haleine fraiche qu’elle exhalait, transie de froid, fumée légère et évanescente. Dans un murmure, il lui demanda, moitié railleur, moitié implorant, comme s'il ne savait toujours pas sur quel pied danser :
« Me permettrez-vous ? »