Entrer dans le métro, dehors, il fait
froid, glacial, tandis que le vent souffle sur les quais de Seine.
Espérer un peu de chaleur, humaine, ou autre.
Se glisser dans une rame, au dernier
moment, courir pour entrer, bondir, se retrouver entasser aux milieux
des gens. Le froid, glacial, dehors, a poussé les gens à revêtir
des vêtements d'hivers, pulls, vestes et écharpes sont de sorties.
Terrible confusion gluante, amas de
corps, mélangés, dans des attitudes obscènes. Ces mains qui se
croisent, s'entrecroisent, s'entrelacent sur des barres de fers aussi
brûlantes que de l'acide. Les odeurs des corps vivant, parfumes,
sueurs, âcreté après une journée dehors, à travailler.
Prison, sentiment de solitude,
d'abandon. Au cœur de la foule humaine, il se sent encore plus
enfermé que dans une cellule. Serait-elle plus grande que ce petit
bout de plastique ou ses pieds reposent. Ses pieds ? Est-ce
vraiment les siens, dans ce magma noirci de chaussures bien cirées ?
Ou est-ce celles de son voisin ? Quelle idée, il ne se
distingue même plus lui-même, engoncé dans cette orgie de chairs
entassées dans une boîte de sardine.
Penser à elle. Elle, qui le tient
comme un pantin au bout du fil. Télécommunication, jeux amoureux.
Qu'est-ce qu'il aimerait qu'elle soit là, près de lui. Atténuer
ses angoisses. Pourtant, dans cette masse informe et livide, elles
reviennent de plus belle. L'aime-t-il ? Oui, il en est certain,
il a aimé autrefois, ce n'est pas la même chose, mais une
exaltation étreint son cœur, il serait poète, il dirait son âme.
Pourtant, ce sentiment, fugace, qui se love au plus profond de sa
poitrine, au milieu de ses entrailles, le trahit. Il déteste ce
monde, il déteste être enfermé là, au milieu de cette foule
anonyme. Terrible angoisse, sera-t-il à la hauteur de l'image qu'il
s'est forgée d'elle ? Il ne veut pas être déçu, ne pas
penser à ça. Il l'aime. Mais...Ce petit mais insidieux, cette
question existentielle. Lui qui a peur de s'engager, qui a peur de se
retrouver la corde au cou, prisonnier attendant la sentence de mort.
Ce n'est pas tant l'aimer qui importe,
c'est se dire : « et si ? ». Peur artificielle,
peur d'un esprit torturé, qui a déjà ressenti un amour profond.
Peur de gâcher, à nouveau, de ne pas se faire comprendre, ne pas
comprendre. Rater le coche. Pourtant, là, il est dans le métro,
certes ce n'est plus la même chose, mais cela y ressemble tellement.
Avoir peur, peur viscérale, physique.
Sensation de malaise. Il étouffe, il voudrait hurler. Se mettre à
sangloter, replier sur lui-même. S'enfermer dans son monde, son
monde. Nombrilisme existentiel. Dieu, serait-il comme tout le monde
lui qui se dit humaniste ? Ne serait-ce que des mots pour se
faire mousser auprès d'elle, prétendre à quelque chose de
meilleur...Alors qu'il n'est rien.
Terreur de déplaire, terreur de
décevoir. Petits mots lancinants au fond de son esprit. Il ne veut
pas croire qu'elle puisse le décevoir, c'est lui qui a peur de la
tromper, peur d'être quelqu'un d'artificiel. Ses mots, ce ne sont
que des artifices...Même s'il sont vrais, au plus profond de lui il
sait qu'ils sont vrais, mais les mots trahissent la Vérité. Comment
dire, utiliser un média, sans perdre le sens réel...Question
existentielle dont il ne peut trouver la solution, tant il est
oppressé. Pensées parasites, corps à corps avec ces gens
inconnus.
Fuir, il ne sait faire que ça. Il a
besoin de partir, de courir. Il enfonce la masse humaine, comme s'il
fendait une motte de beurre avec son couteau, le matin, dans son
petit appartement. Il s'enfonce dans cette masse gluante, il pousse.
(re)Naissance.
Courir, grimper les marches, sortir.
Air libre.
Il fait froid dehors, glacial, le vent
souffle sur le grand boulevard.
Au cœur de la nuit, c'est pourtant là
qu'il se sent le mieux. Seul, solitude éternelle sous le regard
bienveillant de ses amies les constellations.
Marcher, à toute vitesse, esquiver la
foule, se glisser, être libre.
Voilà ce qu'il voudrait qu'elle
comprenne, qu'elle partage, peut-être. Volonté d'indépendance,
d'être libre. Illusion, l'amour n'est-il pas une sorte de d'impasse
dans sa réflexion ? Une aporie, barrage de la pensée
rationnelle ? Se retrouver. Lui-même, dans la solitude. C'est
ce dont il a besoin, l'essence de son être ; La
question...C'est arrivera-t-il à la faire entrer dans cette
solitude ? Parviendra-t-elle à se glisser au cœur de ce qu'il
est....Un éternel marcheur solitaire ? Et sera-t-il capable de
l'inviter dans ce monde mystérieux, enfantin, qu'il s'est forgé et
où il règne du haut de sa tour d'ivoire, là où les murailles de
sa pensée le protègent ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire