jeudi 10 octobre 2013

Eloge du Nombrilisme

Entrer dans le métro, dehors, il fait froid, glacial, tandis que le vent souffle sur les quais de Seine. Espérer un peu de chaleur, humaine, ou autre.

Se glisser dans une rame, au dernier moment, courir pour entrer, bondir, se retrouver entasser aux milieux des gens. Le froid, glacial, dehors, a poussé les gens à revêtir des vêtements d'hivers, pulls, vestes et écharpes sont de sorties.

Terrible confusion gluante, amas de corps, mélangés, dans des attitudes obscènes. Ces mains qui se croisent, s'entrecroisent, s'entrelacent sur des barres de fers aussi brûlantes que de l'acide. Les odeurs des corps vivant, parfumes, sueurs, âcreté après une journée dehors, à travailler.

Prison, sentiment de solitude, d'abandon. Au cœur de la foule humaine, il se sent encore plus enfermé que dans une cellule. Serait-elle plus grande que ce petit bout de plastique ou ses pieds reposent. Ses pieds ? Est-ce vraiment les siens, dans ce magma noirci de chaussures bien cirées ? Ou est-ce celles de son voisin ? Quelle idée, il ne se distingue même plus lui-même, engoncé dans cette orgie de chairs entassées dans une boîte de sardine.

Penser à elle. Elle, qui le tient comme un pantin au bout du fil. Télécommunication, jeux amoureux. Qu'est-ce qu'il aimerait qu'elle soit là, près de lui. Atténuer ses angoisses. Pourtant, dans cette masse informe et livide, elles reviennent de plus belle. L'aime-t-il ? Oui, il en est certain, il a aimé autrefois, ce n'est pas la même chose, mais une exaltation étreint son cœur, il serait poète, il dirait son âme. Pourtant, ce sentiment, fugace, qui se love au plus profond de sa poitrine, au milieu de ses entrailles, le trahit. Il déteste ce monde, il déteste être enfermé là, au milieu de cette foule anonyme. Terrible angoisse, sera-t-il à la hauteur de l'image qu'il s'est forgée d'elle ? Il ne veut pas être déçu, ne pas penser à ça. Il l'aime. Mais...Ce petit mais insidieux, cette question existentielle. Lui qui a peur de s'engager, qui a peur de se retrouver la corde au cou, prisonnier attendant la sentence de mort.

Ce n'est pas tant l'aimer qui importe, c'est se dire : « et si ? ». Peur artificielle, peur d'un esprit torturé, qui a déjà ressenti un amour profond. Peur de gâcher, à nouveau, de ne pas se faire comprendre, ne pas comprendre. Rater le coche. Pourtant, là, il est dans le métro, certes ce n'est plus la même chose, mais cela y ressemble tellement.

Avoir peur, peur viscérale, physique. Sensation de malaise. Il étouffe, il voudrait hurler. Se mettre à sangloter, replier sur lui-même. S'enfermer dans son monde, son monde. Nombrilisme existentiel. Dieu, serait-il comme tout le monde lui qui se dit humaniste ? Ne serait-ce que des mots pour se faire mousser auprès d'elle, prétendre à quelque chose de meilleur...Alors qu'il n'est rien.

Terreur de déplaire, terreur de décevoir. Petits mots lancinants au fond de son esprit. Il ne veut pas croire qu'elle puisse le décevoir, c'est lui qui a peur de la tromper, peur d'être quelqu'un d'artificiel. Ses mots, ce ne sont que des artifices...Même s'il sont vrais, au plus profond de lui il sait qu'ils sont vrais, mais les mots trahissent la Vérité. Comment dire, utiliser un média, sans perdre le sens réel...Question existentielle dont il ne peut trouver la solution, tant il est oppressé. Pensées parasites, corps à corps avec ces gens inconnus.

Fuir, il ne sait faire que ça. Il a besoin de partir, de courir. Il enfonce la masse humaine, comme s'il fendait une motte de beurre avec son couteau, le matin, dans son petit appartement. Il s'enfonce dans cette masse gluante, il pousse.

 (re)Naissance.

Courir, grimper les marches, sortir. Air libre.

Il fait froid dehors, glacial, le vent souffle sur le grand boulevard.

Au cœur de la nuit, c'est pourtant là qu'il se sent le mieux. Seul, solitude éternelle sous le regard bienveillant de ses amies les constellations.

Marcher, à toute vitesse, esquiver la foule, se glisser, être libre.


Voilà ce qu'il voudrait qu'elle comprenne, qu'elle partage, peut-être. Volonté d'indépendance, d'être libre. Illusion, l'amour n'est-il pas une sorte de d'impasse dans sa réflexion ? Une aporie, barrage de la pensée rationnelle ? Se retrouver. Lui-même, dans la solitude. C'est ce dont il a besoin, l'essence de son être ; La question...C'est arrivera-t-il à la faire entrer dans cette solitude ? Parviendra-t-elle à se glisser au cœur de ce qu'il est....Un éternel marcheur solitaire ? Et sera-t-il capable de l'inviter dans ce monde mystérieux, enfantin, qu'il s'est forgé et où il règne du haut de sa tour d'ivoire, là où les murailles de sa pensée le protègent ?  

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