jeudi 11 août 2016

Madame est servie

Nuit d’ennui. Nuit d’insomnie. Maladie de nanti. Des problèmes, faux, plein le cerveau. Le sommeil qui s’est enfui.

Dehors, Marseille nocturne. En arrière fond, le ressac d’une autoroute jamais assoupie. 1H30 : ambulance au cri strident. 2H15 crissement de pneu, course de nuit dans la cité d’en face. 3H22 sirènes ululantes, voiture de police qui démarre à tout berzingue, oiseau de proie pour oiseaux de nuits. Ou nui oiseuse. 

4h45. Train de nuit de Paris. Au même instant, dans l’immeuble d’en face, à moins que ce ne soit juste au-dessus, une femme crie sa jouissance. Hurle, expulse, prend son pied. Tout aussi fort que le bébé de 5H01 qui vagit sa faim et attend sa première tété. Affole en moi quelque chose savamment enfoui pourtant. Je me bouche les oreilles. J’essaie de trouver le sommeil, alors que déjà la nuit violine laisse la place aux prémices d’une aube opaline. Demi réveil. Rien n’y fait. Je superpose des images d’histoires, mauvais romans, nouvelles inachevées, rêves abandonnés.

Lâcheté.

5H29, tapante. Je devais m’y attendre, mais elle me surprend, toujours. Craquement sonore d’un store défoncé par une masse énorme. Un éléphant passe dans un magasin de porcelaine. Cambriolage. Le pouls qui s’accélère. La main cherche vainement un interrupteur. Terreur d’enfant, fiat lux, la nuit est chassée par le non grésillant. Crac boum. Miaulement qui tient lieu tout à la fois de grognement, de bonjour et d’une demande. Claquement brusque d’un ordre sec. Le chat a faim. Feed me human. Grattement sur une tong abandonnée. Claquement. Elle l’a abandonnée quelque part dans le couloir, pour mieux miauler. Amène toi et nourris moi. Miaule miaule miaule. Meow qui sonne comme les sanglots des violons de l’automne. Sonnerie mortuaire pour estomac efflanqué. Course dans le couloir. Saut malhabile. Un poids sur mon lit, une chaleur contre mes jambes, et un souffle sur ma poitrine quand elle se décide à l’écraser. Allez, tu vas te lever oui. Et si j’essayais de feindre le sommeil ? Cela ne marche pas, elle miaule, plus fort, mord mon nez. J’ouvre un œil. Je ne peux plus m’en tirer. Elle tricote ma poitrine. Là j’ai mal. J’abaisse le pavillon, elle a gagné. Chef oui chef, allons te donner à manger. Je la pousse et, maugréant, part à la suite de miajesté qui marche de son pas chaloupé, reine de ses lieux.


5h31 Carrelage froid pour bien s’éveiller. Ouverture des chakras de la mauvaise humeur. Je n’ai pas retrouvé sur le chemin la tong kidnappée, où a-t-elle bien pu la poser ? Train de sénateur tandis qu’elle roule son corps, ondule près du sol, son ventre balaye les miettes de la veille.  Mécanique bien ajustée, elle ronronne comme un moteur, au quart de tour, tandis que j’attrape sa gamelle. A moitié pleine, pour moi. A moitié vide, pour elle. Le temps de la remplir d’une louche de graines, elle se frotte contre mes jambes, caresse mon mollet, joue avec mon pied, amoureuse. Je connais trop tes petits jeux madame. Mais je te sers, quand même. Je pourrais m’en retourner, mais son ronronnement m’invite à un petit plaisir. Je la gâte, la cajole, la caresse, accroupi tout contre elle. Elle nous mène tous par le bout du nez. Elles nous mènent tous par le bout du nez. Je la câline, flatte ses flancs, chatouille son dos. Ma main s'arrête au creux de son cou, caresse, pétri, masse, ça marche à tous les coups. Elle s'abandonne, ronronnante, tout contre moi. Craquement d'une croquette. Boulotte, sa miajesté se relève sans prendre gare à son esclave, et s'en va d'un pas digne mais chaloupé. 5H32, je peux retourner me coucher. A peine dans mon lit, grattement. Elle monte, se cale contre mon épaule, se roule en boule. Dans son ronflement, je m’endors. 

2 commentaires:

  1. La douceur de l'amour, le chemin pour rejoindre Morphée ?

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  2. Le chat est une viande délicieuse !

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