Nuit d’ennui. Nuit d’insomnie. Maladie de nanti. Des
problèmes, faux, plein le cerveau. Le sommeil qui s’est enfui.
Dehors, Marseille nocturne. En arrière fond, le ressac d’une
autoroute jamais assoupie. 1H30 : ambulance au cri strident. 2H15
crissement de pneu, course de nuit dans la cité d’en face. 3H22 sirènes ululantes,
voiture de police qui démarre à tout berzingue, oiseau de proie pour oiseaux de
nuits. Ou nui oiseuse.
4h45. Train de nuit de Paris. Au même instant, dans l’immeuble d’en face, à moins que ce ne soit juste au-dessus, une femme crie sa jouissance. Hurle, expulse, prend son pied. Tout aussi fort que le bébé de 5H01 qui vagit sa faim et attend sa première tété. Affole en moi quelque chose savamment enfoui pourtant. Je me bouche les oreilles. J’essaie de trouver le sommeil, alors que déjà la nuit violine laisse la place aux prémices d’une aube opaline. Demi réveil. Rien n’y fait. Je superpose des images d’histoires, mauvais romans, nouvelles inachevées, rêves abandonnés.
Lâcheté.
5H29, tapante. Je devais m’y attendre, mais elle me
surprend, toujours. Craquement sonore d’un store défoncé par une masse énorme.
Un éléphant passe dans un magasin de porcelaine. Cambriolage. Le pouls qui s’accélère.
La main cherche vainement un interrupteur. Terreur d’enfant, fiat lux, la nuit
est chassée par le non grésillant. Crac boum. Miaulement qui tient lieu tout à
la fois de grognement, de bonjour et d’une demande. Claquement brusque d’un
ordre sec. Le chat a faim. Feed me human. Grattement sur une tong abandonnée.
Claquement. Elle l’a abandonnée quelque part dans le couloir, pour mieux
miauler. Amène toi et nourris moi. Miaule miaule miaule. Meow qui sonne comme
les sanglots des violons de l’automne. Sonnerie mortuaire pour estomac
efflanqué. Course dans le couloir. Saut malhabile. Un poids sur mon lit, une
chaleur contre mes jambes, et un souffle sur ma poitrine quand elle se décide à
l’écraser. Allez, tu vas te lever oui. Et si j’essayais de feindre le sommeil ?
Cela ne marche pas, elle miaule, plus fort, mord mon nez. J’ouvre un œil. Je ne
peux plus m’en tirer. Elle tricote ma poitrine. Là j’ai mal. J’abaisse le
pavillon, elle a gagné. Chef oui chef, allons te donner à manger. Je la pousse
et, maugréant, part à la suite de miajesté qui marche de son pas chaloupé,
reine de ses lieux.
5h31 Carrelage froid pour bien s’éveiller. Ouverture des
chakras de la mauvaise humeur. Je n’ai pas retrouvé sur le chemin la tong
kidnappée, où a-t-elle bien pu la poser ? Train de sénateur tandis qu’elle
roule son corps, ondule près du sol, son ventre balaye les miettes de la
veille. Mécanique bien ajustée, elle
ronronne comme un moteur, au quart de tour, tandis que j’attrape sa gamelle. A
moitié pleine, pour moi. A moitié vide, pour elle. Le temps de la remplir d’une
louche de graines, elle se frotte contre mes jambes, caresse mon mollet, joue
avec mon pied, amoureuse. Je connais trop tes petits jeux madame. Mais je te
sers, quand même. Je pourrais m’en retourner, mais son ronronnement m’invite à
un petit plaisir. Je la gâte, la cajole, la caresse, accroupi tout contre elle.
Elle nous mène tous par le bout du nez. Elles nous mènent tous par le bout du
nez. Je la câline, flatte ses flancs, chatouille son dos. Ma main s'arrête au
creux de son cou, caresse, pétri, masse, ça marche à tous les coups. Elle
s'abandonne, ronronnante, tout contre moi. Craquement d'une croquette.
Boulotte, sa miajesté se relève sans prendre gare à son esclave, et s'en va
d'un pas digne mais chaloupé. 5H32, je peux retourner me coucher. A
peine dans mon lit, grattement. Elle monte, se cale contre mon épaule, se roule
en boule. Dans son ronflement, je m’endors.
La douceur de l'amour, le chemin pour rejoindre Morphée ?
RépondreSupprimerLe chat est une viande délicieuse !
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