Toujours la même frousse. Pourtant, il connait sur le bout
des doigts l’escrime du cœur, feinte, parade, et estocade. Ferré. Qu’est-ce qu’il
la hait, en fait. C’est si simple de, de passer outre ses peurs, de s’avouer.
Vaincu, mais sans hésitation, arracher ses mots cristallins de leur gangue de
boue qui pèsent sur son cœur et qui ne veulent pas sortir de sa bouche ;
il meurt d’envie de les dire, de les chanter ou de les écrire sans pouvoir y
arriver, comme si son inconscient s’y refusait. Pourtant, ce ne sont que trois
petites syllabes de rien du tout, bien alignées comme à la parade dans son
esprit, elles ne tiennent que peu de place, et sont capables de combler la
vacuité de son cœur et de son âme. Ridicule de la terreur. Que risque-t-il
après tout ? Un coup de mou ? Un coup de blues ? Un coup de tête ?
Et après, ce n’est pas la mer à boire, ou plutôt, après la mer de boire, il
sera tellement saoul d’alcool et de fumée qu’il aura tout oublié pour mieux se
consacrer à une nouvelle défaite, une fois de plus sur la brèche et tout le
tralala romanesque, ou romantique, ou poétique, il ne le sait plus trop. De
toute façon il n’a jamais su poétiser, romancer ou s’écrire sur un bout de
papier. Cela semble si simple, à en croire les gens, à lire des resucées de ce
genre d’affaire dans les courriers du cœur, ou ailleurs, dans de jolis livres
de poche ou sur un écran blanc. Peut-être que c’est ça ce qu’il aime, en faire
tout un cinéma, un bon gros plat tarte à la crème et mièvre. Certainement même,
occasion cocasse de se donner l’envie de vivre. Entouré de tous ses héros,
Corto, Diego ou Cyrano, il n’arrive pourtant pas à trouver le courage de se lancer
dans sa tirade, quelques jolis mots, un effet comique et puis zou. Non, pas la
moindre petite once de bravoure ni même la folie d’une bravade intempestive.
Arriver, tout déballer, un petit tour et puis s’en aller après avoir salué.
Coup de revolver. BANG. Coup de feu, puis relâcher, la détente, avant que la
balle n’est frappée définitivement son cœur. Joie ou bonheur, à cet instant,
peu importe. Tout plutôt qu’attendre, poursuivre ces passes désinvoltes et fanées
d’un fandango qui ne qu’aux apparences d’une malsaine confusion. Pirouette,
demi-sourire, et ravaler sa fierté.
Non, à défaut, ou à dessein, il préfère ressasser son passé.
Plutôt souffrir la solitude que se prendre un mur. Quitte à ne plus avancer, et
rester à jamais à ce stade de déconfiture. Mûr, pour rien, pour pas grand-chose,
trop rance, toujours si vieille France. Encaisser le prix de ses lâchetés
plutôt qu’espérer et tout miser sur un fou, rires. De deux précieuses
ridicules, il n’en choisit définitivement aucun, pour ne pas finir sur le cul. Abandonner,
c’est bien plus dur à accepter que ce que ses retranchements dissimulent. Et
pourtant il s’y sent résigné, parce qu’il n’a non pas peur de se ridiculiser,
mais seulement d’aimer, et être aimé, sans pouvoir jamais donné, s’adonner ou
se donner tout entier. Alors que, pour une fois, il aurait eu le mérite de s’essayer
à vivre, et d’un tout petit pas, avancer…
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