lundi 27 juin 2011

Yggdrasil 02


Olaf Sternisson regardait son fils tatoué se battre torse nu. Trois fois trois hivers s’étaient passés depuis ce raid chez les Cymri. L’enfant n’avait pas parlé durant le voyage. Olaf et la Volvä s’étaient occupés de lui, lui donnant à manger et à boire. Un soir, alors que le bateau avait été tiré sur une grève, il vit l’enfant frissonner. Olaf le mit sous sa cape et l’enfant ne bougea plus. Sa femme Hilda avait été ravie de voir un garçon dans sa maison, elle qui n’avait pu donner à son mari que des filles mortes en bas-âge. Erik avait rapidement intégré les mots de Valinor ainsi que le clan.
Il était actuellement en train de se battre à l’épée contre un autre garçon de son âge, son ami Wulf Aergisson. Erik était petit et rapide, sombre comme ses cheveux ailes de corbeaux, s battant avec deux épées. Wulf était fort et massif, portant des cheveux et une barbe déjà fournie rousse, un futur Berserker comme son sang le voulait. Olaf aimait son neveu, mais il savait déjà qui allait gagner. Erik dit quelque chose qu’Olaf n’entendit pas. Wulf rougit et se jeta à coup redoublé, jusqu’à ce qu’il glisse dans une flaque et se trouve à la merci d’Erik. Ce dernier rit et tendit la main à son ami. Les jeunes filles qui les regardaient de loin pouffèrent, ce qui fit rire aux éclats Eric et couvrit les jours de Wulf d’une certaine rougeur, indigne d’un guerrier
Olaf souriait, fier des talent stratégiques de son fils, Wulf était un excellent combattant, mais bien trop porté sur la force brute…
« Ton fils est devenu fort Olaf, tu l’as bien formé»
La Volvä était apparue comme par magie
« Bonjour ma dame. Oui il est fort, comme tous les jeunes guerriers du clan. »
« Ne l’abaisse pas, je les vois se battre, et je sais qu’il est parmi les meilleurs en dehors du fils du roi ton frère…Mais ce n’est pas de la qualité des enfants que je veux te parler. »
Olaf scruta la Volvä, qu’avait-elle donc de si particulier à lui dire qu’elle se déplacait par elle-même de la Maison des Runes.
« Ton frère vieillit, la dernière bataille l’a fatigué, son poumon est faible et son corps fatigué par les batailles…J’ai déjà parlé avec lui, et il sait parfaitement qu’il risque de ne pas passer l’hiver »
Olaf blêmit, son frère, si fort et si grand. Certes il avait vu son roi vieillir comme lui, mais de là à en faire u moribond…
« Ne dit pas ça femme…C’est de la trahison envers le roi des Sept Vallées »
« Trahison, honneur…Si tous les hommes étaient comme toi Olaf, je n’aurais pas grand-chose à faire…Les charognards se lèvent dans les collines. Ils sentent le sang et la faiblesse de l’ours et de ses petits…Demain, ton fils partira à la Montagne Blanche avec la fille du Roi…Il sera consacré hirdmen en même temps qu’elle deviendra une Volvä…Tu devras guider les enfants jusqu’aux pieds de la montagne, et là le destin se scellera»
La Volvä se détourna. Olaf regarda la vieille femme partir sur ses paroles mystérieuses

La fête battait son plein. Tous les jeunes guerriers et les jeunes guerrières du clan venait de passer à leur âge adulte après une après midi avec les sorciers. Wulf étai ivre mais continuait vaillamment à se battre avec les fûts. Erik le regardait, hébété par l’alcool. Il se leva cependant de la table afin d’aller prendre l’air. Cette nuit de fin d’automne était belle. Il avait appris très vite à aimer les froids et les glaces du Nord, tout comme la chaleur des foyers. C’était un pays plus rude que la terre des Kelts, mais il s’était enfin senti à sa place.
« Tu rêves mon ami ? » La vois douce et féminine sortir le jeune homme de sa torpeur. Surpris, Erik se retourna et regarda la nouvelle venue, une grande fille aux cheveux roux bouclé, et des magnifiques yeux verts qui avaient toujours fait rêver Erik, Sonja, la fille du roi, qui devait les accompagner son père et lui en remontant vers leur ferme de Slepnir. Elle était une de ses amies les plus proches avec Wulf, mais son statut de Volvä et son départ vers la Montagne Blanche, sans compter qu’elle était fiancée à un des roquets du fils du roi lui rappelait son statu de garde du corps.
« Heu…Oui, je vous prie de m’excuser ma dame, l’alcool et les feux m’ont quelques peu embrumé l’esprit »
« Je vois ça, si tu commences d’appeler une amie comme une vieille femme…Et puis l’alcool n’est pas bon pour un garde du corps, mon père le roi serait très peiné d’apprendre cela »
Erik rougit, il savait qu’il était en tort. Soudain elle éclata de rire
« Si tu savais ce que tu es drôle Erik. Voyons, crois tu que je trahirais un ami ? » Elle le fixait intensément
« Heu…Non, bien sûre ma..heu…Sonja »
La jeune fille éclata à nouveau de rire.
« C’est une belle nuit, la neige va bientôt arriver, et le temps des batailles va enfin cesser…Nos hommes vont se consacrer aux travaux, et le sang arrêtera de couler »
«Nous sommes des guerriers, et les razzias payent les bijoux qui vous plaisent tant ma dame » Cette fois ci, ce fut Sonja qui rougit. « D’ailleurs, il me semble qu’Orendo est revenu avec de nouvelles parures forts jolies qui vous irez forts bien, mais si vous vous moquez de moi je crois que je dirai au roi qu’il est fort dangereux de s’approcher de ces marchands étrangers…»
Le goût de la fille du roi et de ses amies, toutes Volvä où guerrières qu’elles soient, étaient fort connus dans les Sept Vallées.
« Tu es beau parleur ce soir mon ami…Et je te demande ton pardon, il me faut un garde du corps pour affronter les étrangers sans honte…Nous y allons demain ? »
« Tu n’iras nulle part » La vois dur les fit sursauter. Angus, le fils du roi des collines de Slipnir et fiancé de Sonja se tenait là, avec son ami le fils du grand roi des Sept Vallées, Cynewulf.
Ce dernier prit la parole : « Ma sœur, rentre maintenant avant que la honte ne retombe sur toi, et laisse nous nous occuper de cet hirdmen trop bavard.
« Cousins, cela sera un plaisir que de vous donner une leçon » rétorqua Erik.
« Tu n’es pas mon cousin peinturluré. »
« Ne vous battez pas, je n’irais nulle part, partez vous deux » Sonja s’était mise en travers, connaissant fort bien les dégâts qu’une bagarre entre eux pouvait faire.
Cynewulf s’approcha des deux jeunes gens, il sentait fortement l’alcool. Il fixait avec violence Erik. « Ecarte toi femme, je ne le répéterai pas »
« Non »
Cynewulf agit soudainement, en essayant de gifler la jeune femme. Mais Erik fut plus rapide, lui attrapant le poignet, il le tordit lentement qui craqua.
« Essaye seulement de la frapper chien, et je te jure par tout les dieux de Midgard que ce sera ton crâne que je briserai…Allez vous en maintenant» Il repoussa brusquement Cynewulf vers Angus.
Ce dernier fixa le jeune homme.
« Partons »
Cynewulf se releva. Mais au lieu d’obéir, il dégaina un couteau long et allait se jeter sur Erik quand une main l’empoigna par le col.
« Par les couilles d’Odin. Je ne peux pas dormir cinq minutes que tu t’attires des ennuis avec ses chiens galeux du clan Slipnir…Ca doit être ton sang Kelt…Bon tu remarqueras que ça me donne une occasion de le fracasser. Surtout qu’il a osé toucher à ma cousine » Wulf disait cela tout en maintenant fermement Cynewulf. Il but à grandes goulées sa chope de bière et se tourna vers Angus.
« Mon cher cousin, prend la loque qui te sert d’ami, et allez vous-en. Je ne voudrais pas me brouiller avec toi. »
« Mais bien sur cousin » dit Angus en grinçant des dents. « Allons Cynewulf, laissons les à leur jeux, demain nous devons aller chasser les sangliers, il nous faudra être d’attaque »
Les deux hommes partirent, laissant les trois jeunes gens rire dans les ténèbres de la nuit.

vendredi 24 juin 2011

Yggdrasil

Inspis: le jdr éponyme


« Par Hell, ce gamin a des couilles »
Les guerriers riaient. L’enfant crasseux tenait une épée longue, et lançait des coups dans le vent contre ces hommes-métal, engoncés dans des armures aussi froides que les glaces de leurs pays natal. Un grand guerrier à la barbe blonde jouait avec l’enfant Kelt depuis des minutes. Ils étaient venus, porteur du fer et du feu, massacrant tous les Cymri Bleus qui passaient à leur portée, violant leurs femmes et pillant leurs troupeaux. La tribu du jeune garçon n’avait pas fait exception. Tous les guerriers s’étaient battus en hommes, mais que faire en tunique et braie contre ses guerriers bardés de l’acier noir de Valinor ? Les Cymri étaient tous morts. L’enfant tatoué avait vu ses maîtres mourir. Il avait pris la lame du chef des Cymri, afin de défendre les biens dont il faisait parti. Les chaînes à son cou le gênaient, le retenant à la maison, mais il se battait toujours, avec l’énergie du désespoir
Mais il faiblissait, exténué des coups portés dans le vent. Il sentait la caresse de la mort à chaque parade rieuse du grand guerrier à la barbe noire. Il allait mourir.
Soudai, l’enfant bleu dérapa. Le guerrier leva sa lame, dit quelque chose dans sa langue gutturale et leva sa hache. Il avait du respect dans ses yeux. L’enfant le fixa, voyant la lame d’acier trempée monter lentement au dessus de la tête de l’homme qui allait prendre sa vie. « Arrête ». Un cri, bref, le guerrier hésita, tous se retournèrent pour voir la voix autoritaire. Une vieille femme ridée, accompagnée du guerrier roux qui avait pris la tête du chef Cymri, le maître de l’enfant.
«Olaf Sternisson, ne tue pas cet enfant…Il a un grand destin, et tu feras de lui un guerrier… »
« La Volvä a parlé »
Tous les guerriers grommelèrent, privés du spectacle de la mort après un beau combat
Le grand guerrier à la barbe noire regarda la Volvä, puis son frère. Il tenait toujours sa hache. Il scruta attentivement l’enfant. Ce dernier n’avait pas bougé. Il s’avança de quelques pas, l’enfant recula. Olaf leva bien haut sa hache, et d’un geste vif brisa la chaine qui retenait l’enfant…
« Tu es libre petit homme. Tu seras mon fils, Erik Olafson… »

samedi 18 juin 2011

Le Parfum de la Dame en Beige

Soirée de Gala dans un ancien Palais. Il est déjà tard, calèches et fiacres passent et repartent dans l’allée centrale dans un ballet incessant.
Les gens discutent par petit groupes, dans les salons et les salles illuminés. N’avez-vous point trouvé cette pièce fabuleuse ? Et mademoiselle de Fady en Hermione ? Monsieur d’Istre, quel magnifique Pyrrhus, quelle profondeur de jeu…
Je traverse ces salles, un sourire aux lèvres, la bourgeoisie sera toujours la même, fausse et inculte.
Point comme les gens qui se meuvent dehors, trois quatre personnes marchant lentement, bal éternel, dans les jardins éclairés par la seule lumière de la Lune.
La jeune  Hermione se trouve là d’ailleurs, sur les marches du palsi, si sur scène elle est une tragédienne grecque, ici, entourée de ses amis comme le Duc de Cibissimo, pacha dans ce monde de lettre, elle est un pinçon frais et rieur.
Monsieur  d’Istre discute debout moitié grave moitié rieur avec Mademoiselle Solal, une amie écrivain de talent revenue il y a peu d’Indochine, et la Comtesse de Pazza, accompagnée d’une  douce compagne anglaise au visage de fraise, toutes les femmes sont assises dans des chaises en rotin. Bientôt il les invitera à danser
De l’autre côté,  le Vicomte de Morand, notre hôte dans cet hôtel, accompagné de son éternel  secrétaire et comparse, un jeune loup sans moral, parle politique et histoire avec le Lord Commander Seal, attaché militaire de l’ambassade d’Angleterre. Je pourrais m’approcher d’eux, mais je connais déjà la teneur de leur discussion, alliance politique, peur des fasciste, surement aussi un peu de littérature militaire et étude sur Clausewitz…Il me faudra tout de même aller le saluer, mais tout à l’heure.
Peut-être est-ce le champagne que je bois à petites gorgées depuis le début de la soirée, ou tout simplement la fatigue, mais je me sens mal, très mal, mélancolique. Oui, il vaut mieux que j’évite les discussions ce soir.
Je tire de ma poche une Camel Longue, au doux parfum de tabac blond, fort et entétant comme je l’aime. Je l’allume à la flamme de mon zipo argent, cadeau d’une vieille amie. Puis je me glisse lentement vers les profondeurs du jardin, dans ce dédale végétal.
Il fait frais, et cela me ragaillardi. J’aime, dans la douceur de cette nuit, cette promenade dans le noir, dans les massifs de rose trémières, qui ne laisse voir pour seule lumière celle de la voie lactée. Je tire doucement sur ma cigarette, laissant glisser de ma bouche cette fumée bleue que j’apprécie tant. Lentement, bouffée après bouffée, le tabac se consume.
Je n’ai plus la notion ni du temps ni de l’espace dans ce labyrinthe végétal, même si parfois je puis entendre quelques notes de musique cristalline, un piano joue une valse de Chopin dans le palais.
Je débouche soudain sur une petite trouée, lieu paisible entre les allées sombres du labyrinthe. Un petit bassin est là, au milieu. Une statue, un angelot, déverse sans discontinuer une eau claire et limpide dans un délicieux glougloutement.
En m’approchant, je remarque que je ne suis pas seul. Une femme me tourne le dos, assise sur la margelle du bassin, enveloppée dans un châle blanc. Je m’apprête à partir, pour ne pas être indiscret, mais un je ne sais quoi me retient, m’attire vers cette femme seule dans cet endroit incongru.
Elle ne se retourne pas, je puis contempler ses longs cheveux noirs qui descendent dans son dos. Elle porte, sous le châle, une longue robe beige, classique. Quelque chose émane d’elle, cette femme dont je ne vois pas le visage…
« Approchez monsieur, n’ayez pas peur »
Une voix claire, comme l’eau qui coule dans la fontaine. Je ne peux détourner mon regard d’elle, situation inconfortable, je ne devrais pas, mais mon corps réagit, comme attiré par un fil invisible, magique.
Mes chaussures cirées s’enfoncent dans l’humus doux de la mousse qui tapisse les abords du bassin. Elle me tourne toujours le dos. Un pas, puis un autre, je suis tout près d’elle. Je ne vois toujours pas son visage, mais je sens le parfum doux amer de ses cheveux, une fragrance que je connais…Pourquoi ? Je ne sais pas. Je sens seulement cette odeur douce-amère, comme un pomme sucrée mais en même temps acidulée. Je n’ai plus qu’un pas à faire, elle ne se tourne pas. Je ne peux détourner mes yeux de son dos, de ses cheveux. Absurde. Je m’assieds. Il faut que je me reprenne, je le dois. Je la regarde de bas en haut, sa robe beige tombe jusqu’au cheville, révélant un pouce de bas blanc. Elle tire lentement sur un fume cigarette une Camel Longue. Elle ne bouge pas, bien qu’elle frémisse à cause du frais du bassin.
Je ne sais pourquoi, au lieu de me retirer en lui laissant ma veste, je pose ma main sur son épaule, elle me la prend. Alors, elle se retourne. Et là…là…Je vois enfin son visage, un visage vide, lisse et blanc comme de la porcelaine, sans aucune marque humaine.
Pourtant, je sais qu’elle me regarde. Elle me fixe de son visage sans traits humains. Elle me regarde. Je ne peux détourner mon regard de ce faciès informe, sans forme…
Soudain, elle commence de hoqueter, puis de rire, rire, rire… « Me reconnais-tu ? Me reconnais-tu ? » Oui je la reconnais, je sais qui elle est, oui démon du passé, je t’ai reconnue!…Elle s’avance, j’ai peur, peur, peur. Je ne peux détourner mon regard.
« Je t’ai enfin retrouvé…Oui je t’ai retrouvé mon amour… »
Non, je hurle, je me débats, ma main quitte son épaule. Il faut que je me lève, il faut que je parte. Elle rit encore, elle rit toujours. JE m’arrache à l’étreinte glaciale de sa main…Et je fuis, je fuis, je fuis, courant à perdre haleine, et son rire, son rire cristallin qui me suit, comme ce parfum, le parfum de la dame en beige…Je crie une dernière fois, dans ce labyrinthe puis…Néant…

Le lendemain, les serviteurs de Monsieur de Morand eurent l’horreur de découvrir un vieil homme, un écrivain connu de leur maître, mort d’une crise cardiaque devant le bassin…Il tenait dans sa main, près du cœur, un morceau d’une robe…d’une robe beige…