Les flammes.
Un soir entre deux réveillons. Toutes les lumières sont
éteintes sauf celles qui encerclent le sapin. Et des dizaines de bougies qui
tamisent l’ambiance. Une heure propice à l’introspection et les plaisirs
calmes. Mes yeux se perdent dans la flamme vacillante qui tournent aux gré de l’inspiration
de l’air. Dehors, il pleut à verse, et les platanes vibrent sous les rafales de
vent. Pas un temps à mettre un chat dehors. La buée s’incruste sur les vitres,
dessinant de fantasques images, alors qu’un seul réverbère, dehors, allume la
route. De temps à autre, une voiture qui file à toute vitesse dans la nuit vers
un improbable réveillon, ou les sirènes bleues d’une ambulance vers un autre,
plus tragique. Pourtant, dans ce petit cocon de salon, c’est la paix, le calme,
et la volupté. Pourtant, malgré toute cela, je suis triste ce soir. Triste, à l’image
de cette flamme qui vacille. Encore une autre dans les innombrables nuits où,
debout, je broie du noir, je bois du noir et je craque mes maux.
A mes côtés, une autre flamme, tendre, calme, sereine,
respire paisiblement, dans mes bras. Totem, elle apaise mes nuits d’encre.
Sait-elle à quoi je pense ? A qui j’écris ? A qui je parle ?
Tandis qu’elle dort, bienheureuse, au rythme tranquille de son cœur que j’entends
battre ? J’ai tout pour être heureux, et pourtant, il y a toujours un
vide. Un énorme trou dans mon cœur. Eternelle solitude, froid du sépulcre,
chagrin insupportable. Un manque. Un vide. Un désespoir. Alors que mes nuits
sont pleines de petites lumières qui vacillent, ou du souvenir de brasiers sur
lesquels je me suis brûlé.
Ce rêve, ou était-ce une réalité ? Un feu d’artifice
qui a cramé mes rétines, rendu mes oreilles sourdes et ma langue plus lourde
que du plomb. Un choc. Un coup de poing. Un coup de couteau qui trancha jusqu’à
la moindre des viscères, jusqu’au plus profond des nerfs, jusqu’à mon cœur qui
explosa dans une bombe multicolore passionnée. Souffrance et plaisir, tandis
que le rouge carmin de la violence et du sang s’évidait, fil d’Ariane sur une
route baigné à ce cruel cruor. Pensamor, pince d’amour, clamp et aiguille pour
rabibocher ce trou, mais la chirurgie à la poudre noire n’a fait qu’agrandir ce
trou. Avec la soif d’inconnu et de nouvelles craintes. Brûlé à la lampe météore,
je n’étais plus qu’un pantin de chiffon qui avançait, encore un peu, dans cette
nuit noire.
Pour tomber, un peu
plus loin, sur une toute petite flamme, à vrai dire c’était plus une braise, un
tout petit néon rouge grésillant, un petit bout de nez de clown. Un rire dans
la nuit. Et soudain, à nouveau, l’espoir. Celui que je n’attendais plus. D’une
braise, une flamme, puis un bûcher. Un incendie d’amour qui réchauffe le cœur,
éclaire le noir, et repousse le trou dans ce cœur. Et pourtant, toujours des
peurs, anciennes et ridicules. Peur que ce ne soit que de la poudre aux yeux,
poudre de perlimpinpin, artifice, pétard qui sera mouillé trop vite. Peur de se
dire qu’enfin, c’est bon, cette longue errance solitaire se finit ici. Peur de
perdre cet être qui, au détour d’un chemin, pourrait s’en aller, dans sa
liberté. Et me laisser seul à nouveau sur le carreau. A la recherche d’une
flamme. Peur des autres lumières, mirages sur le désert de cette vie, ou
météore bien réel, rencontre fortuite, qui pourrait me détourner de ces pas
communs. J’ai peur, de tout, du blizzard, de te perdre, de me perdre. De rater
un tournant. De faire un choix. De marché sur un chemin unique. Et pourtant,
dans cette nuit, tandis que tu te presses contre moi, j’ai envie d’y croire. De
chasser les idées noires. De ne garder que l’amour, totem.
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