lundi 30 novembre 2015

Malaise dissonant

Tout est harmonie. Tout doit être dans le bon temps. Tout se conjugue sur un seul rythme. Une voix. Une démarche. Un sens. Un corps en mouvement suit sa propre cadence. Ou sa dissonance. Minuscule, infime, inaperçue. Agression des sens. Musique qui déchire une oreille. Image qui fait saigner les yeux. Caresse qui fait tressaillir d’horreur.
Fin du rythme ternaire. Dégoût d’une odeur qui ferait vomir notre nez.
Hacher. A chier. A grands coups de tronçonneuses.
Rupture. Briser les mots. Fondre l’émaux. Déconstruire les maux.
Ou l’inverse.
Dissonance. Le charrois des chemins du chaos ne sont pas un autre moyen d’ordonner l’ordre ?
Briser les sens. Briser l’essence. Briser les sans.
Tue la phrase. Fin du rythme. Tonale, atonale, demi-ton. Qu’importe. Pause.
Nouveau rythme.

Le train glisse sur ses rails de fer, serpent qui sinue en silence au milieu de nulle part.
Phare blanc dans la nuit noire. Ses puissants photophores déchirent la ténébreuse froidure.
Dehors, ambiance sépulcrale d’un début de neige, linceul à cinquante nuances  de gris de nuages étouffant les étoiles de la voie lactée.
Dans la rame, le néon grésille, manque de sauter, avant de s’éteindre, une fois, se rallume, puis s’efface, définitivement. Demi-pénombre mortuaire de visages blafards chichement éclairés par les lumières ternes d’intelligents téléphones. Comme si tous, ce soir, demain, au détour d’une bombe, dans le creux d’une explosion en chemin, on se trouvait déjà dans la tombe promise le jour de notre naissance.
Le serpent de fer et d’acier se coule dans son ennui. Les tours de la Défense brillent. Altières, rouges et blanches. Veloutées dans la nuit bleue. Avant de s’enfoncer dans la gueule noire d’un tunnel charbon.
Et puis, Paris, elle, brille d’un halo blanc suaire, velours albâtre sur un squelette noir de bâtiments assoupis. Déjà. Alors qu’il n’est pas mi nuit.
Envie d’une ballade le long des quais de Seine. Seul. Comme un Américain à Paris. Je suis certain qu’elle brille de mille reflets. Magie des nuits d’hiver. Comme la beauté d’une femme assoupie.

Faux semblant qui révèle une vérité crue, nue, fichue. Aux portes de Saint Lazare, passé l’écharpe blanche et rouge du périphérique, tout devient noir. Gueule de charbon d’un colosse besogneux qui ne cherche qu’à engouffrer dans sa grande gueule une véritable usine à voyages. Dans ce noir sépulcral, le reflet de ses yeux se brouille, tandis qu’une larme roule sur sa joue. Température de tombeau. Infinie tristesse. Gel. Chaleur. Tout s’embrouille. Tandis que son cœur se serre à la crainte d’un souvenir dans la glace du tendre visage qu’il aimerait effacer. 

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