dimanche 17 mars 2013

De la course et des canonnades

La chasse avait commencé à l’aube, le petit sloop de commerce courait comme un lièvre, poursuivi par le Vicious depuis. Et pour l’heure, l’après-midi était bien avancée, l’astre solaire commençait de plonger dans leur dos, tandis qu’ils voguaient vers l’Est.

Leur proie essayait de s'échapper vent arrière en louvoyant, changeant souvent de direction, maîtrisant admirablement leur voile, donnant un ris quand il le fallait, et sans jamais faseyer. Le Vicious était bien commandé, mais plus grand il s’était approché de la petite voile en peinant, ayant du mal à louvoyer. Leur proie était passée d'un petit point blanc sur l'horizon à une coque et un drapeau de la République Batave.

Elle essaya encore de changer de direction. C’était peine perdue, vent arrière, le vaisseau du capitaine Sid allait presque aussi vite que le Pearl, et leur proie n’avait jamais pu s’échapper au cours de la longue journée, perdant peu à peu les quelques milles d’avance qu’elle avait avant de voir apparaitre le terrifiant navire pirate.

C’est pour cela que e jeune mousse sentait les nerfs de l’équipage à vif après cette longue course, tandis que sur la dunette, le pilote, le voilier et le capitaine Sid parlaient peu, concentrés sur leur chasse, donnant un ordre sec régulièrement, tandis que tous les matelots attendaient avec une certaine anxiété, ou une féroce fureur, d’attraper ce maudit Hollandais.

C’était donc ça une chasse ? Il se posait la question, des marins si courtois entre eux d’habitudes, pour des pirates, ne parlaient pas, grinçant des dents constamment, tout en aboyant s’il avait le malheur de se mettre en travers de son chemin. Pour passer le temps, certains aiguisaient leur coutelas, d’autres jouaient au dés en jetant de fréquents coups d’œil par-dessus le bastingage, tandis que les plus sereins dormaient, ou du moins, c’est ce qu’ils laissaient paraître, leurs yeux cachés par le bord de leurs grands chapeaux.

Les plus farauds essayaient de deviner ce qui pouvait bien se cacher dans ce bâtiment pour que le capitaine n’abandonne pas la course, et que leur proie faisait tout pour ne pas se faire attraper. Certains disaient du tabac ou de la cochenille, les plus avides pensaient à de l’or, Jim la Luxure lui avait dit haut et fort que c’était forcément la fille du gouverneur de Curaçao qui venait d’arriver dans les Indes Occidentales, et que ce bel oiseau de paradis allait bientôt se faire déplumer, peut-être par notre jeune mousse, ce qui avait eu pour conséquent une quinte de toux grasse des membres de l’équipage avant qu’un ordre sec du canonnier ne les renvoi à leur passe-temps.

Pour l’heure actuelle, le mousse était aux mains de l’artilleur qui lui avait fait sortir quelques gargousses de poudre qu’ils avaient fixées près des canons dans une toile cirée, pour la protéger des vagues. C’était une précaution nécessaire, du moins c’est ce qu’il lui avait expliqué, d’apporter tôt la poudre, leur proie étant à portée dans quelques minutes maintenant, pour préparer les premiers tirs avec plus d’efficacité.

C’est pour cela qu’il montrait patiemment au mousse comment enchaîner deux boulets, lui expliquant que si le mât ne tombait pas au premier tir, il y avait de fortes chances que la voilure du sloop soit ravagée et qu’il ne pourrait plus jouer avec le vent.

Tout en parlant, il avait fait charger au gamin un boulet de métal avec des billes d’aciers, enfoncé dans « la boite à mitraille », comme il appelait, par un trou qu’ils fermaient par un bouchon de plomb fondu. Le canonnier n’aimait pas cette arme, il lui avait expliqué qu’à courte portée, elle aurait pu trouer de part en part son corps qui aurait été haché sans qu’on puisse plus distinguer une partie d’une autre, ce qui avait fait pâlir le gamin. En riant, il lui avait dit que c’était les dangers du marin, mais que pour une prise, il valait mieux les garder en derniers recours, pour débarrasser un pont des enragés qui refusaient de se rendre ou faire peur à de trop bons marins, qui avaient peur des mutilations à vie que ces billes pouvaient causer à une chair humaine.

Le jeune impétrant avait demandé pourquoi ils ne comptaient pas tirer aux boulets. Là encore, le vieil homme avait ri, oui les boulets ronds étaient efficace, mais ils brisaient les coques, et un mauvais coup pouvait leur faire perdre la cargaison, si par malheur l’obus fracassait la ligne de flottaison. En revanche, il lui avait fait charger tout seul, longue opération, un petit canon de chasse portatif de quelques livres, posé à la proue dans un petit emplacement. Quand ils seraient à portée, avant de donner le drapeau rouge, il tirerait son coup, pour dire aux hollandais de se mettre en panne.

Le mousse avait demandé ce qu’était le drapeau rouge, le marin, rembruni, lui avait dit qu’il verrait bien assez tôt, mais que si les Hollandais était intelligent, ils se rendraient avant d’en arriver à cette extrémité…

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