Suite, après modification de l'intrigue. Qu'en pensez-vous ?
Deucalion avait sacrifié quelques-uns de ses anneaux de
cuivre pour se payer une bonne tranche de viande, du pain à peu près frais et
une bouteille de grès pleine d’ale. Il se repaissait de ce frugal dîner, dans
l’auberge miteuse qui sentait le graillon et la sueur, cabane de torchis et de
fagots mal agencés, mais au moins, le vent n’y entrait pas.
La serveuse, une
jeune femme d’une vingtaine d’année, avait déjà sa beauté fanée par la dure vie
d’une frontière, mains rougis par les lessives et la vaisselle, bien que cette
dernière ne fût pas des meilleures. Elle portait cependant un solide giron qui cachait des seins lourds. Ses cheveux filasse
étaient baignés de sueur dans l’air moite de l’auberge, tandis qu’elle servait
un couple de barbares velus. Elle jetait des coups d’œil à Deucalion, l’invitant à le rejoindre peut-être à la nuit
noire sur une couche de paille.
Deucalion se disait que c’était une bonne idée, jusqu’au
moment où il vit entrer les soldats. Trois hommes, deux gardes, et un officier.
Ce dernier, petit et trapu, sentait à plein nez l’homme de la frontière, son
torse dur couvert d’une brigandine ouverte au col laissant apparaître des poils
noirs, ses bras, nus en dehors de bracelets de force plaqué en argent, étaient
musculeux, comme ses cuisses qui faisaient bien deux fois la taille des bras de
Deucalion, qui n’était pas une demi-mesure.
L’homme s’approcha, toisa le jeune homme qui finissait son
assiette en sauçant le liquide épais.
« Toi. Le gouverneur veut te
voir ».
Deucalion finit lentement son assiette, se leva lentement,
encadré des deux soldats en cotte de cuir bouilli frappé au cœur de l’aigle
d’Aquilonie. Les autres clients, soldats et mercenaires, regardaient le jeune
homme qui, en dehors ses yeux bleus acier, ressemblait à n’importe quel homme
de la pièce, couvert de fourrures et de cuirs.
En montant vers le bastion, Deucalion, malgré un air distant
et froid, cogitait. Il avait passé le début de soirée à échanger son cheval
contre des rations, et quelques une des pierres précieuses qu’il avait sauvé
contre des anneaux d’or et une carte relativement bonne des haute-terres. Il
savait, de ce que sa mère et son père lui avait conté, qu’un cheval en Cimmérie
avait toutes les chances de se briser les pattes, et la marche à pied ne lui
faisait pas peur. Ce n’était guère malin que de montrer trop de richesses, mais
la vie des frontaliers étaient faite de découvertes de ruines Atlantes et de
trésors longtemps enfouis. La seule raison pour qu’un officier le convoque,
c’est qu’un avis de recherche courrait déjà pour lui.
Il entra dans le bastion conduit par l’officier. Le premier
étage était une vaste salle d’arme où l’on sentait des odeurs de cuisine. Un
escalier discret descendait, vers ce que Deucalion imaginait sans peine comme
un cul-de-basse-fosse.
Il monta au second étage. On le fit entrer dans une vaste
salle parqueté en bois de sapin, sur lequel avaient été posé des joncs frais et
des fleurs qui embaumaient l’air d’un doux parfum, après lui avoir permis de se
laver les mains dans un broc d’eau chaude. Au bout de la pièce, devant une
grande table, et faisant dos à une grande flambée, le gouverneur de Fort
Kardamo siégeaient sur un trône de bois, dînant avec des officiers et plusieurs
marchands Shemites.
Les conversations allaient bon ton quand Deucalion fut introduit,
et des yeux de toutes les couleurs le jaugèrent. Le gouverneur, un poussah
complétement obèse vêtu de soie et d’une armure d’argent ciselé, tête glabre et
yeux dessinés au khôl, l’invita bruyamment à venir prêt de lui. Deucalion ne
connaissait pas Lord Varis, mais ce dernier se présenta comme un ami de son
père, qu’il avait connu il y a fort longtemps sur la frontière, quand lui-même
était un jeune officier grand et maigre. Cette tirade attira quelques rires.
Comme l’avait deviné Deucalion, tous savaient qu’il était un
paria et un fuyard, et qu’une prime était posée sur sa tête. Mais Varis
promettait de le conduire jusqu’à la frontière, par souvenir de son vieil ami,
si Deucalion contait ses aventures.
Deucalion parla, sans prendre plaisir et réfléchissant à ce
qu’il devait dire tandis qu’on lui servait une coupe de vin, il inventait au
fur et à mesure une histoire. Il était fils d’une esclave Cimmérienne que son
père avait épousé. Ainé de la famille Dekalontes, il avait passé une vie
agréable, bien que subissant un entrainement tant mental que physique dur. Puis
il avait grimpé la hiérarchie militaire l’arme au poing, jusqu’à ce terrible
duel, réel, quelques temps avant que son père ne soit tué. Il raconta qu’il
avait décidé de se faire oublier quelques temps sur la frontière, avant de
revenir dans sa famille.
Deucalion se souvenait très bien des coups d’épée, du sang
giclant à verse sous les frappes dignes de taureaux en rut, par cette aube
froide et humide, sur le petit pré. Le combat était une farce, pour une femme,
mais Deucalion aimait sa sœur, et son ennemi avait essayé d’en faire une catin.
Son adversaire était entré dans son piège, et Deucalion lui avait ouvert la
gorge d’un seul coup, le laissant se noyer dans son sang. Tous les hommes
apprécièrent le combat, les donzelles pâlirent en criant à l’héroïsme fou d’un
jeune homme défendant son honneur et sa famille.
Deucalion ne profita finalement pas de la serveuse, mais il
dormit pour la première fois depuis son départ de Tarantia d’une nuit descente
dans un bon lit, au chaud.
L’aube était là. Deucalion venait de charger les fontes de
sa monture de nourriture et d’équipement pour affronter l’hostilité du grand
Nord. Ses deux guides discutaient avec Varis, qui était descendu
exceptionnellement aux portes du donjon, emmitouflé dans une énorme cape en
peaux de loups blancs. Derrière lui, un officier qui n’avait cessé pendant le
repas de fixer Deucalion se tenait droit, regardant toujours de ses yeux de
serpents le jeune homme. Il était grand et mince, musclé, et bien fait de sa
personne, avec sa petite barbe noire taillée et huilée, et ses cheveux avaient
reçu le même traitement shémite. Deucalion trouvait qu’il ressemblait à
quelqu’un, mais il ne trouvait pas qui. D’un autre côté, tandis que les guides
s’approchaient de leurs propres montures, il s’en moquait éperdument.
L’officier se tourna vers Varis, tandis que le trio s’en
allait.
« Mon oncle, pourquoi ne m’as-tu pas laissé tuer ce
chien dans son lit ? Où l’enfermer dans un cul de basse fosse à pleurer sa
putain de mère lorsque les fers du bourreaux arracheront ses chairs tendres de
sang-mêlé ? »
« Paix Deklitès. Deucalion est le fils d’un vieil ami,
certes le fils d’un traître et traître lui-même et menteur, mais je ne pouvais
enfreindre les lois de l’hospitalité. » Dit Varis de sa voix molle,
faisant tressaillir ses bajoues. « Et tous les chasseurs de primes de la
régions connaissent déjà son visage. Je ne donne pas cher de sa vie, surtout
que mes hommes sont les meilleurs…Bientôt ils nous ramèneront sa tête, ta
vengeance pour ton frère sera accomplie, et un ennemi du roi sera mort. Que
demander de plus ? Viens maintenant, allons nous enivrer! Au succès! »
dit-il en se tournant, faisant voler la neige sur sa cape, et indiquant de sa
main couverte de bagues et bijoux la chaleur du foyer
Les trois cavaliers sortirent par la porte du fort, montant
droit vers les Highlands de Cimmérie.
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