dimanche 4 décembre 2016

Place de la Ré

Place de la Ré, le soleil vient de se coucher. Un croissant de lune brille, déchire les nuages, éclaire le ciel. A ses côtés, l’étoile du berger, étoile polaire, signe dans la nuit. Des dizaines de lumignons brillent sur la statue, éclairée de bleu, de blanc, de rouge. Souvenirs des disparus cajolés par la grande statue d’une femme fière ; française. Sur les murs des immeubles, des centaines de néons brillent, ors, sangs, turquoises, théâtres, kebabs et cafés qui éclairent le ballet d’ombres mouvantes qui glissent sur les dalles luisantes d’une pluie à peine finie. Hommes, femmes, enfants se mêlent, patinent, dérapent sur la grande scène noctambule. Carambolage de deux trottinettes, un coursier à vélo fait tinter son clocheton furieusement contre un impudent qui osait traverser dans la nuit, un skater fait bondir sa planche qui claque furieusement, une fois, deux fois, trois fois, la figure passe.

Accoudé à la balustrade de l’entrée de la bouche de métro, un jeune homme contemple ces ombres chinoises qui se découpent à la lumière des phares, traversent, courent, s’affolent. Le bonhomme vient de passer au rouge. Une fille s’élance, ballerine aux pieds, en trois bonds de cabri, un dérapage, la voilà dans les bras de son amant. Baiser furieux. Déjà, ils quittent la scène. Sous la statue, photographie plus intime, un couple s’enlace. Pleure-t-elle de joie ? Reflet sur une joue. Deux corps se cherchent, s’étreignent, s’échangent. Tendre baiser.


Le jeune homme, souriant, se rappelle d’autres temps, d’autres lieux, un corps chaud qui se presse contre le sien. Mélancolie. Pourtant, il n’a pas envie de pleurer. Pas ce soir. Non, plutôt, convoquer la nostalgie, en se montrant curieux de ce monde qui l’entoure. Prendre plaisir à l’instant. L’attente, dans le froid, coup de blizzard. L’envie, un peu ridicule, de serrer quelqu’un contre lui. Pour faire la guerre à l’hiver, le vide, la mort. L’amour, dernier drapeau pour dégager les draperies de mélancolie. Ses pensées errent, convoquent des images, d’autres photos, des yeux qui passent dans le vague. Bleus, violines, verts ou vairons. Des femmes. Le plaisir d’un instant. Secret. L’amour Epiphanie. Un regard, un parfum, un geste. Maladroit ou délicat. Boisé ou fleuri. Intense ou détourné. Un moment. 
A jamais.  

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