Se réveiller, au cœur
de la nuit, cœur battant, peau moite, souffle coupé. Se remémorer
cette vision, terrible, magnifique, femme-déesse du clair obscur,
jouant à cache-cache dans les voiles de vaporeuse mousseline.
Se souvenir de ses
formes, les imaginer, les voir. Ses pieds, ses mollets, ses genoux.
Et puis ses cuisses. Parfum capiteux de ce buisson intime. Odeur
délicate. Fragrance indescriptible.
Remonter la chair pâle
de son ventre. Là, deux parfaites imperfections, trace du passage du
temps blessure ancienne ou nouvelle, marque indélébile.
Remonter, nombril,
abdominaux, seins...Petits pamplemousses-mûres. Et puis sa gorge.
Morceau de marbre de Carrare brut, une main passe dessus puis des
lèvres. Baisers d'orfèvre, caresses de tailleur, geste
professionnel devant la perfection de ce corps.
Remonter, encore, se
perdre . Masse de cheveux, ni clairs ni foncés. Lumineux sans
l'être, au contraire de ce visage, plongé dans une ombre tamisée,
voile noir qu'il ne peut traverser. Un nez, des yeux, une bouche,
oui. Il les a baisés. Mais ces traits manquent de justes,
imperfection fatales. Qui est-elle ? Pourquoi n'arrive-t-il pas
à la revoir, la déesse mutine de ses rêveries en clair-obscur ?
Plongée secrète,
l'imaginer, essayer de la faire chair. Ne pas y arriver. Avoir envie
de pleurer. Croire que tout cela n'est qu'un songe. Elle est si loin
l'absente. Songe d'une nuit d'été, ou réalité ? Croire qu'il
l'a perdue, et puis, suffocant, moite et blême, il frémit. Petite
vibration à peine perceptible de la boîte à son. Elle est là,
l'absente, si proche et si loin, toujours plongée, cachée, entre
les mots, mais bien présente...