Aujourd’hui, je reprends la plume. C’est Eyris qui me l’a
demandé, pour mettre des mots sur mes maux, comme elle a fait…avant.
*plusieurs lignes ont été violemment raturées, même si un
nom apparait à deux reprises*
Après la trahison d’Ulrich, j’ai erré, comme le loup de mes
armes, dans les terres sauvage d’Harathis. De chasseur j’étais devenu proie…Il
me fallait me fondre dans quelque chose, pourquoi pas la garde du Lion ? C’était
une protection efficace, nourriture fade, certes, mais de rudes guerriers. Et c’était
si simple d’être un soldat pour quelques temps. Redevenir le mercenaire que j’ai
été, se battre pour une cause au grand jour, juste et noble, pour la Kryte.
C’était ce dont j’avais besoin. Mais aujourd’hui, en
revenant d’une attaque contre les centaures, j’ai reçu une lettre. Je l’ai
ouverte…Je vais reprendre la route.
Cette nuit, j’ai revu de vieux amis. Faendyr et Eyris. De
vieux compagons presque au complet, si l’on excepte Mog. Mais ce dernier est la
Liberté, et aussi un oiseau de mauvais augure, s’il le voulait, il serait venu,
mais il doit attendre son heure le vieux coquin.
Les choses ont bien changé en quelques années, voire
quelques mois. Faendyr s’est marié à une douce jeune femme, assez frêle bien qu’elle
semble avoir un sacré caractère. Ils sont venus avec leur protectrice, Auren,
une guerrière patibulaire engoncée dans une tenue de cuir moulante. Et trois
personnes que je ne connaissais pas, sauf de nom. Les Vorengard…Une famille
décimé, et ils sont les seuls survivants.
Je ne sais pas ce que Faendyr leur a promis, à tous, mais au
moins, une nouvelle fraternité commence de voir le jour. Des guerriers, des
assassins et des magiciens, réunis pour se battre dans les Ombres, pour la
Kryte…Le Serment en plus élaboré. Une nouvelle voie.
Après moult discussions, nous sommes partis. Un navire, dirigé par le
Capitaine Kefir. Un homme sauvage et fier, un bon marin. Sans un homme de sa
trempe, je crois que nous ne serions jamais sorti vivant de cette aventure…Je
me souviens encore de ces éclairs tonitruants, de ces vagues en furies et du
sifflement strident de la tempête. La folie nous guettait…Magie noire disait
certains, Gestalt disait Eyris. Je ne sais ce qui m’a pris, une pulsion de mort
m’a pris…Comme il y a des années. Je ne voudrais pas paraître couard, je sais
que je ne le suis pas, mais cette sensation de ne plus rien contrôler m’assaille
et me terrifie…Pour le bien de mes compagnons.
Le jeune Vorengard, Talnir, est parti avec une charge de
poudre afin de faire sauter le navire ennemi…Eyris a lutté des heures durant
avec sa magie, et tout est redevenu calme, d’un coup, aussi plat que peut l’être
la mer près de l’Arche.
Plusieurs semaines ont passé depuis que nous sommes rentrés,
avec ce goût d’inachevé. J’ai dû partir en Orr. On m’a dit qu’Ulrich voulait se
venger. Là-bas au moins, je pourrai reconstituer mes forces, et récupérer les
deniers que j’ai entreposés un peu partout. Mon commis m’a dit que ce n’était
qu’une goutte dans l’Océan, une perte sèche certes, mais ma Fortune allait bon
allant, avec les investissements fructueux fait auprès de la Compagnie du Lion
Noir. Tout cela serait vite épongé. En attendant, mon navire s’apprête à
partir. Quelques Croisés, des vivres et des armes…Une mission de ravitaillement
quelconque, là-bas, un de mes anciens compagnons d’armes a recruté des
mercenaires. Une nouvelle mission commence.
Avant de partir, il me faut rapporter une soirée chez
Faendyr. Un de ses dîners galas, avec le vernissage d’une œuvre d’une artiste
que le vicomte soutient. Personnellement, je ne vois pas l’intérêt, même si j’apprécie
l’art, c’était une perte de temps dans mes préparatifs. Mais bon, l’amitié, et
la lettre d’Eyris, étant ce qu’elles sont, j’ai bien dû faire l’effort de
troquer mon armure pour un ridicule costume civil. Tout s’est bien passé, jusqu’à
ce qu’Eyris soit pris d’une crise. Mog m’en avait parlé, mais je ne l’avais jamais
vue ainsi. En hâte, nous l’avons conduite hors de la demeure, puis à l’arche.
Béni soit les inventions Asuras, nous avons eu le temps d’arriver jusqu’à la
crique des pirates. Là, dans une débauche d’énergie, Eyris a avalé les âmes d’êtres
corrompus. Ce spectacle m’a fasciné, tout en me révulsant…Celle qui était mon
maître pouvait être…Un monstre ?
*les pages suivantes ont été arrachées*
Je suis revenu en Kryte. J’ai investi dans une mine d’Orichalque,
en fournissant des combattants pour défendre le puits face aux attaques des
sombres êtres de ces contrées. Par les Sept, je suis mécontent de quitter tout
ce sable et cette puanteur morbide. Je pense que mes affaires ne sont pas
terminées là-bas, et puis, la vie est si simple dans ces étendues redevenues
sauvages. J’ai peine à croire que c’était un des plus grands empires que la Tyrie est connue, dans ces paysages
désolés de rochers suppurant une sombre magie, ces cactus aux épines
tranchantes comme des rasoirs et ces vastes grottes et tunnels remplis de
moisissures et de bêtes immondes. Tuer ou être tué, contre la menace de
dragons.
Oui, c’est bien plus aisé que toute cette politique que je
chérissais tant. Maintenant, mon devoir m’appelle dans ce panier de crabe…
La compagnie est devenue une Guilde Royale. Je venais d’arriver
avec une cinquantaine de mes guerriers. Faendyr m’avait parlé d’un fort
puissant, où nous aurions besoin d’hommes. Le Faucon noir est une belle bâtisse,
austère mais fière, qui se dresse sur un axe majeur. Un serviteur m’avait
demandé de monter sur la muraille, où une vive discussion se tenait. Une jeune
femme, prétendument la sœur de Faendyr, voulait devenir une Sentinelle. Cela s’est
mal passé, elle a perdu un compagnon, et moi, je n’ai pas reconnu Faendyr dans
la cruauté dont il a fait preuve. Et puis cette Abigael…Vêtue de noire, on
aurait dit une de ces succubes dont Mog enrichit ses récits les plus sombres.
Je crois que je n’ai pas été le seul à craindre quelque chose cette nuit-là, au
vue des mines pâles et déconfites des Vorengard.
Pour quelques temps, rien ne se passa, la fille partit en
pleurs, et Eyris tança son vieil ami…Mais personne n’avait prévue l’arrivée de
Dame Aeris.
Faendyr venait de la répudier…Et nous avait demandé d’abandonner
la protection que nous accordions à sa femme légitime. Cela m’avait fait un
choc, mais plus encore ce qu’il se passa après. Folle de rage, Aeris lança un
terrible sort, et sans Eyris, je crois que nous eussions été tous morts…Dans la
confusion, Talnir put administrer un sédatif à Aeris, mais le fait est que
cette soirée m’a laissé un goût amer, après avoir signé la Charte. Des époux se
déchirent, des amitiés naissantes se fragilisent…Je ne sais pas où nous allons,
et la fidélité que je dois à mes compagnons me pèse, même si jamais je ne
reviendrai sur mon Serment. Tel est mon fardeau, tel sont mes choix, à moi de
les assumer et de boire la coupe, s’il le faut, jusqu’à la lie…